1Dans la lande au sable éclatant.Que jamais l’homme n’ensemence.En face de la mer immense,L’immense saline s’étend.Debout sur l’étroite chaussée.Le Saulnier ,buste découvert,Pelle à pelle, arrache au flot vert ,La couche de sel amassée.Travaille ! ô saulnier !Puis, vieux et brisé, trépasse !Afin qu’un patron amasseDenier sur denier.2Qu’il fasse chaud, qu’il fasse froid,Que la mer soit bleue et tranquilleOu que la vague, d’île en île,Hurlante, répande l’effroi.Trime Saulnier ! trime sans cesse !Et donne à qui, de toi, se sert :Vin frais l’été, bon feu l’hiver,En tout temps, plaisirs et richesse.Travaille ! ô saulnier !Puis, vieux et brisé, trépasse !Afin qu’un patron amasseDenier sur denier.3Ton père fut saulnier aussi ;Saulnier aussi fut ton grand-père ;Chacun d’eux fut un pauvre hèreComme toi, peinant à merci :Tes fils auront métier semblable.Comme toi, maudissant leur sort.Ils traîneront jusqu’à la mort,Une existence lamentable.Travaille ! ô saulnier !Puis, vieux et brisé, trépasse !Afin qu’un patron amasseDenier sur denier.4Quand l’âge t’aura terrassé ;Quand se courberont tes épaules ;Quand, ainsi qu’on voit les vieux saules.Tu seras las, brisé, cassé.Dans ton taudis malsain, humide,Ô travailleur ! sache-le bien !Tu crèveras, seul, comme un chien,Dédaigné du patron avide,Travaille ! ô saulnier !Puis, vieux et brisé, trépasse !Afin qu’un patron amasseDenier sur denier.
Le
Saulnier
Herbel, Émile
samedi 18 février 2023, par
Texte d’Émile Herbel (≤1888).
Paru aussi in : L’Attaque : organe socialiste révolutionnaire de la jeunesse (1888-1890), nº 4 (11-17 juillet 1888).