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Le

Saulnier

Herbel, Émile

samedi 18 février 2023, par claude

Texte d’Émile Herbel (≤1888).
1
Dans la lande au sable éclatant.
Que jamais l’homme n’ensemence.
En face de la mer immense,
L’immense saline s’étend.
Debout sur l’étroite chaussée.
Le Saulnier ,buste découvert,
Pelle à pelle, arrache au flot vert ,
La couche de sel amassée.
 
Travaille ! ô saulnier !
Puis, vieux et brisé, trépasse !
Afin qu’un patron amasse
Denier sur denier.
 
2
Qu’il fasse chaud, qu’il fasse froid,
Que la mer soit bleue et tranquille
Ou que la vague, d’île en île,
Hurlante, répande l’effroi.
Trime Saulnier ! trime sans cesse !
Et donne à qui, de toi, se sert :
Vin frais l’été, bon feu l’hiver,
En tout temps, plaisirs et richesse.
 
Travaille ! ô saulnier !
Puis, vieux et brisé, trépasse !
Afin qu’un patron amasse
Denier sur denier.
 
3
Ton père fut saulnier aussi ;
Saulnier aussi fut ton grand-père ;
Chacun d’eux fut un pauvre hère
Comme toi, peinant à merci :
Tes fils auront métier semblable.
Comme toi, maudissant leur sort.
Ils traîneront jusqu’à la mort,
Une existence lamentable.
 
Travaille ! ô saulnier !
Puis, vieux et brisé, trépasse !
Afin qu’un patron amasse
Denier sur denier.
 
4
Quand l’âge t’aura terrassé ;
Quand se courberont tes épaules ;
Quand, ainsi qu’on voit les vieux saules.
Tu seras las, brisé, cassé.
Dans ton taudis malsain, humide,
Ô travailleur ! sache-le bien !
Tu crèveras, seul, comme un chien,
Dédaigné du patron avide,
 
Travaille ! ô saulnier !
Puis, vieux et brisé, trépasse !
Afin qu’un patron amasse
Denier sur denier.

Paru aussi in : L’Attaque : organe socialiste révolutionnaire de la jeunesse (1888-1890), nº 4 (11-17 juillet 1888).