1Dans les faubourgs de la grand’villeJ’ai vu quelquefois en passant,Des bambins à l’air caressantFouler, pieds nus, la terre vile.Malgré leurs grands yeux ingénusEt leurs cheveux d’or ou d’ébène,Toujours ils m’ont fait de la peineLes petits enfants aux pieds nus.2Tous mêlés, garçonnets et filles,Ils vont, jouant, soir et matin,Et leur joyeux rire enfantinS’envole en merveilleuses trilles.Mais malgré leurs jeux continus,Leurs refrains lancés à voix pleine,Toujours ils m’ont fait de la peineLes petits enfants aux pieds nus.3C’est qu’en les regardant je penseÀ l’avenir qui les attend :Sur leur tête frêle s’étendDéjà la main de l’indigence,Des durs malheurs bientôt venusPour eux sera lourde la chaîne,Toujours ils m’ont fait de la peineLes petits enfants aux pieds nus.4Sur la roule par tous suivieCombien resteront en chemin ?Combien, fuyant le lendemain,Lassés, déserteront la vie :Combien, aux gouffres inconnus,S’en iront, roulés par la Seine ?Toujours ils m’ont fait de la peineLes petits enfants aux pieds nus.5Des fillettes à tête blondeQui passent chantant il loisir,Combien serviront au plaisirDes bourgeois à la lèvre immonde ?Chers petits êtres tout menus !La misère au vice vous mène.Toujours ils m’ont fait de la peineLes petits enfants aux pieds nus.6Et des garçons à tète brune !Combien, pour le Bon droit humain,Iront tomber fusil en mainEn criant : « Vive la Commune ! »Des fusillés, des méconnus,Ces mômes-là, c’est de la graine !Toujours ils m’ont fait de la peineLes petits enfants aux pieds nus.
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Les
Enfants aux pieds nus
Herbel, Émile
dimanche 19 février 2023, par
Texte d’Émile Herbel (≤1888).
Paru aussi in : L’Attaque : organe socialiste révolutionnaire (1888-1890), nº 24 (1er-7 décembre 1888).