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Les

Enfants aux pieds nus

Herbel, Émile

dimanche 19 février 2023, par claude

Texte d’Émile Herbel (≤1888).
1
Dans les faubourgs de la grand’ville
J’ai vu quelquefois en passant,
Des bambins à l’air caressant
Fouler, pieds nus, la terre vile.
Malgré leurs grands yeux ingénus
Et leurs cheveux d’or ou d’ébène,
Toujours ils m’ont fait de la peine
Les petits enfants aux pieds nus.
 
2
Tous mêlés, garçonnets et filles,
Ils vont, jouant, soir et matin,
Et leur joyeux rire enfantin
S’envole en merveilleuses trilles.
Mais malgré leurs jeux continus,
Leurs refrains lancés à voix pleine,
Toujours ils m’ont fait de la peine
Les petits enfants aux pieds nus.
 
3
C’est qu’en les regardant je pense
À l’avenir qui les attend :
Sur leur tête frêle s’étend
Déjà la main de l’indigence,
Des durs malheurs bientôt venus
Pour eux sera lourde la chaîne,
Toujours ils m’ont fait de la peine
Les petits enfants aux pieds nus.
 
4
Sur la roule par tous suivie
Combien resteront en chemin ?
Combien, fuyant le lendemain,
Lassés, déserteront la vie :
Combien, aux gouffres inconnus,
S’en iront, roulés par la Seine ?
Toujours ils m’ont fait de la peine
Les petits enfants aux pieds nus.
 
5
Des fillettes à tête blonde
Qui passent chantant il loisir,
Combien serviront au plaisir
Des bourgeois à la lèvre immonde ?
Chers petits êtres tout menus !
La misère au vice vous mène.
Toujours ils m’ont fait de la peine
Les petits enfants aux pieds nus.
 
6
Et des garçons à tète brune !
Combien, pour le Bon droit humain,
Iront tomber fusil en main
En criant : « Vive la Commune ! »
Des fusillés, des méconnus,
Ces mômes-là, c’est de la graine !
Toujours ils m’ont fait de la peine
Les petits enfants aux pieds nus.

Paru aussi in : L’Attaque : organe socialiste révolutionnaire (1888-1890), nº 24 (1er-7 décembre 1888).