1Dansez ! riez ! ô chienlits !Miséreux hâves et pâlis !Qui pour des costumes baroques,Bazardez vos dernières loques.Demain vous verra reposer.Hardi ! sachez vous amuser !Oubliez toutes vos misères !Accomplissez votre désir !D’autres que vous, ô pauvres hères !Toute leur vie ont du plaisir.Et ces marques-là ne sont pasDe pauvres pierrots au teint blême,Maigres comme des échalas.Si, pour nous, c’est toujours Carême,Pour eux c’est toujours Mardi-gras.2Gueux jadis, riche maintenant ;Voyez ce bourgeois bedonnant :Œil sans éclat, visage glabre,Bouche fendue en « coup-de-sabre »,Larges épaules, cou puissantQui prédispose aux coups de sang.C’est un parvenu, car cet hommePrit sa fortune sou par souAux ouvriers, (bêtes de somme).À la chienlit ! le grigou !Aussi ce masque-là n’est pasUn pauvre pierrot au teint blêmeAussi maigre qu’un échalas.Si, pour nous, c’est toujours CarêmePour lui c’est toujours Mardi-gras.3Et cet autre aux longs cheveux plats,Aux gestes lents, aux airs béats,Au groin de chercheur de truffes,C’est le plus hardi des tartufes.C’est un poisson de bénitier,Hypocrite dont le métierEst de vendre des pâtenôtres !Il vit de l’argent du nigaud,Ses dîners valent dix des nôtres !À la chienlit ! le cagot !Aussi ce masque-là n’est pasUn pauvre pierrot au teint blêmeAussi maigre qu’un échalas.Si, pour nous, c’est toujours CarêmePour lui c’est toujours Mardi-gras.4Quel est ce masque chamarré,Des pieds à la nuque doré,Cheveux plaqués sentant le rance !Mais, c’est le Sauveur de la France !C’est le soutien de son drapeau.Ignoble culotte de peau !Infâme parmi les infâmes !On l’a vu, sur le Boulevard,Mitrailler les enfants, les femmes,à la chienlit ! le soudard.Aussi ce masque-là n’est pasUn pauvre pierrot au teint blêmeAussi maigre qu’un échalas.Si, pour nous, c’est toujours CarêmePour lui c’est toujours Mardi-gras.5Juges vendus ! banquiers forbans !Députés vendeurs de rubans !Cabotins infects ! tourbe immonde !Vous tous ! les pourris du Vieux-Monde !Tous les tarés ! tous les salis !Continuez, ô chienlits !Votre bourgeoise mascarade.Mais toi ! payeur de pots cassés !Crève-la-faim, mon camarade,N’en as-tu pas bientôt assez ?Prends un lingot et fiche à basCes masques suant l’anathème !Que ta chanson sonne leur glas !Trop longtemps tu fis le Carême,À ton tour fais donc Mardi-Gras.
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Les
Chienlits
Herbel, Émile
dimanche 19 février 2023, par
Texte d’Émile Herbel (≤1889).
Paru aussi in : L’Attaque : organe socialiste révolutionnaire (1888-1890), nº 33 (2-9 mars 1889).