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Les

Trois couleurs

Herbel, Émile

dimanche 19 février 2023, par claude

Texte d’Émile Herbel (1889).
1
Le drapeau, voilà l’arche sainte !
Et des gens s’inclinent souvent
Devant quelque buveur d’absinthe
Qui le porte flottant au vent.
Les Villemer, les Déroulède,
L’ont chanté sur des tons divers ;
Cette tâche, je la leur cède,
Pour d’autres je garde mes vers.
 
Qu’un autre de gloire se grise
En célébrant les trois couleurs,
Car ce drapeau-là symbolise
Désillusions et douleurs.
 
2
Vous en vantez l’azur sans tache
Ô bourgeois ! qui d’un air vainqueur,
Tout en vous frisant la moustache,
Parlez de patrie et d’honneur.
D’allumer la guerre cruelle
Vous vous faites un triste jeu,
Et le peuple, dupe éternelle,
Vous croit et n’y voit que du bleu.
 
Qu’un autre de gloire se grise
En célébrant les trois couleurs,
Car ce drapeau-là symbolise
Désillusions et douleurs.
 
3
Le blanc qu’à l’azur on accole,
En votre étendard encrassé,
De la pureté faux symbole,
Fut par la honte éclaboussé.
De ce calicot d’un blanc sale
Vous voudriez faire un linceul
Pour ensevelir la Sociale
Dont le bras vous menace seul.
 
Qu’un autre de gloire se grise
En célébrant les trois couleurs,
Car ce drapeau-là symbolise
Désillusions et douleurs.
 
4
Le rouge seul pouvait encore
Servir pour un guidon nouveau
Et notre hampe s’en décore,
Nous en faisons notre drapeau,
Car vous ne sauriez faire vôtre
Son éclat tant éblouissant,
Oui, cette couleur est la nôtre
Elle est faite de notre sang.
 
Qu’un autre de gloire se grise
En célébrant les trois couleurs,
Car ce drapeau-là symbolise
Désillusions et douleurs.

Paru dans L’Attaque : organe socialiste révolutionnaire (1888-1890), nº 39 (27 avril-4 mai 1889).