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Ventrecreux et l’Exposition

Herbel, Émile

dimanche 19 février 2023, par claude

Texte d’Émile Herbel (1889).
1
 
M. BOURGEOIS
— Ventrecreux, vois ! on illumine,
Les étendards claquent au vent,
Allons ! ne fais pas triste mine,
Ne vas pas maugréant, rêvant.
Vois ! l’Exposition est finie,
Elle dresse ses toits joyeux,
Ville de palais merveilleux
Dernier mot de l’art, du génie !
 
VENTRECREUX
— Pour mes yeux c’n’est pas un régal
Que d’voir tant d’richesse et d’dorure,
Ma misère en s’ra-t-elle moins dure ?
L’Exposition, j’m’en fich’ pas mal.
 
2
 
M. BOURGEOIS
— Allons ! ne sois pas mauvais diable,
À t’émerveiller je me plais,
Admire cette œuvre incroyable
Des machines c’est le Palais.
Cela coûta d’énormes sommes
Mais le bénéfice en est clair,
Un millier d’ouvriers de fer
Produit autant que cent mille hommes.
 
VENTRECREUX
— Vos inventions ça m’est égal !
Est-c’à mon profil qu’ça turbine !
Non. Eh ben, zut pour vot’ machine.
Ces outils-là, j’m’en fiche pas mal.
 
3
 
M. BOURGEOIS
— Et ces métiers tissant la soie,
Une araignée ne fait pas mieux,
Pour nous n’est-ce pas une joie
Devoir ces tissus précieux !
Vois ces bijoux ; vois ces peintures ;
Ces diamants, mignons soleils ;
Ces vitraux aux tons sans pareils,
Et ces palais-miniatures.
 
VENTRECREUX
— C’est d’vant l’buffet que j’vais au bal,
Aussi je m’moqu’ blin, d’ vos parures.
Tant qu’à vos « palais-miniatures »,
J’couch’ sous les ponts, j’m’en fich’ pas mal.

Exposition : Exposition universelle de 1889, coïncidant avec le centenaire de la Grande révolution.


Paru dans L’Attaque : organe socialiste révolutionnaire (1888-1890), nº 41 (18-25 mai 1889).