1C’est l’heure ou l’on mange,Voilà que je sens un mic-macDans l’estomac.Ça me tient là, ça me démange,Ça me déchira enfin,Eh dam ! j’ai faim !Jamais je ne mange à ma guiseEt ça fait trois jours, trois jours longs, sans fin,Que mon appétit s’aiguise.Je peux bien tenir trois jours sans manger,Mais plus, il n’y faut pas songer.2Traînant mon corps veuleJe ne vois que gens s’empiffrer,Bâfrer, goinfrerEt s’en fourrer jusqu’à la gueule.Je n’ai pauvre clampin,Ni chair, ni painQuand les chiens même font ripaille :Et je ne peux pas connue âne ou lapin,Manger l’herbe, ni la paille.La fièvre me tient à peine debout,J’ai faim, bon Dieu ! je suis à bout !3Pain, vin, victuailles,Ça crève le nez et les yeux,.Mon pauvre vieux !Où que tu soies, où que tu ailles,Tout, fruits, viandailles, metsAux bous fumets,Aux vitrines partout attendent.Et vers les régals aspirés humésMes doigts tout crispés se tendent.Mets les poings en poche et serre les bien,Car tout cela n’est pas ton bien.4Détourne la tête,Et va t’en au loin, l’œil perdu,Le cœur tordu.Presque pleurant comme une bête.C’est un piège celaQu’on nous tend là.On torture notre être avideEt quand nous cédons, on nous crie : holà !En coffrant le ventre vide.Un morceau de pain vaut la liberté.Bon Dieu ! comme je suis tenté !5Un jour que l’on rêve,Sublime, tôt ou tard, viendra.Où l’on prendraLa revanche des jours de crève,Que tous les meurt de faimSe ruent enfinÀ l’assaut de leur nourriture,Qui donc à ces gueux, fauves à la fin.Pourra disputer leur pâture ?Le jour attendu ne veut pas venir.Mais moi je ne peux plus tenir.
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La
Famélique
Loup, Jean
mardi 21 février 2023, par
Texte de Jean Loup (≤1899).
Paru aussi in : Le Libertaire, 2e série (1899-1899), nº 3 (3-9 septembre 1899).