1Le ventre à l’air, au nez du monde,Issu d’un sexe dépravé,Je fus, un jour, en plein pave,Par Dame Nature bavéComme quelque chose d’immonde…Et depuis lots — que le ciel clairEmprunte au soleil sa brûlure,Ou qu’en la nuit flambe l’éclair —J’erre quasiment sans pelure,Le ventre à l’air.2Mon ventre est plat, mais non pas — foutre !De, s’être aplati devant ceuxMieux enfantés ou plus chanceux :Il est plat d’être paresseuxEt de l’horreur qu’il a de l’outre.Pourtant, parfois, il prend son plat,Et, quand l’ardeur du rut l’étouffe,Il couche des gueuses à platEt fait des fils à sa mistoufle.Mon ventre est plat.3Mon ventre est sec ; son cuir se doreEt je l’irai par le cheminMontrer comme un fier parcheminQuand l’Histoire l’aura, demain,Couvert des titres du lendore ;Car, bientôt las d’être en échecEt de mesurer ma. pitance,J’oserai gueuler à plein becLe commun droit à l’existence :Mon ventre est sec !4Mon ventre est creux, et sa peau tinteAinsi que celle des tambours.Or, par les villes, les faubourgs,Les villages et les labours,Si jamais ma voix est éteinte,Je veux de mes poings vigoureux— Comme sur une caisse —y battre La Générale aux miséreuxQuand viendra l’heure de s’ébattre.Mon ventre est creux !
Chanson « Ventre de gueux » de Léon de Bercy ; musique de Jean Cerneuil
In Le Libertaire, 3e série, nº 39 (2-9 septembre 1900).