1Parce qu’à coups de pied au cuTon seigneur secouait tes puces ;Parce qu’il te faisait cocuQuand ça valait que tu le fusses ;Parce qu’ignorant le bon sensTu te pliais à la corvée,Supportant la dîme et le censSous la trique toujours levée ;Des philosophes sont venusTe parler de « droits méconnus« De privilèges, d’équilibre ».Prêt alors pour les grands combats,— Tu t’amuses — touchants ébats !À foutre la Bastille à basPour être libre.2« C’est ma place que je conquiers ! »Hurle ton orgueil qui s’affiche…Et tu travailles pour le Tiers,Restant le quart — dont on se fiche —Quoi ? N’es-tu pas, citoyen neufDe la République Française,Fier d’avoir fait Quatre-Vingt-Neuf ?Tu vas faire Quatre-Vingt-Treize !Mais « la Patrie est en danger ! »Il faut repousser l’’étranger !Te sens-tu la sublime fibre ?— Oui ! — Tu vas (c’est attendrissant)Offrir et ta vie et ton sangEt combattre cinq contre centPour être libre.3Le sac au dos, fusil en main,À pieds nus parcourant l’EuropeS’élance le bétail humain :Il saccage : il tue… il écope…Est-ce pour en tirer partiQu’il se dépense et se surmène ?— Avec Buonaparte parti,C’est Napoléon qu’il ramène.Alors tu redeviens sujetJusqu’au jour où, sous le projetDe Ledru, ton orgueil revibre !Cela va te ravigoter !En paix tu pourras vivoter ;Car, vois-tu, citoyen, voter,C’est être libre !4Or, pour user ton bulletin,Dans un besoin de te soumettre,Tu te vends comme une catinEt te donnes un nouveau maître.Exploité, mais obéissant,Tu te courbes, toujours docileDevant le Veau d’Or tout-puissant.Sois iconoclaste, imbécile !Dispose donc seul de ta peauEt, quand Société, DrapeauEt bourdes de même calibreDeviendront des mots sans couleur ;Que rien n’aura plus de valeur ;Tu verras la fin du malheurEt seras libre !
Chanson « Libres ! » de Léon de Bercy ; musique de Jean Cerneuil
In Le Libertaire, 3e série, nº 41 (10-17 septembre 1900).