1Chauds, les marrons, chauds !… Avant que se teigneEn roux la verte frondaison,Voici que déjà la blonde châtaigneVient annoncer l’âpre saison.C’est le temps renfrogné des brumesOù les aquilons déchaînésMettent, pour le concert des rhumes,Des tuyaux d’orgue dans le nez.2Chauds, les marrons, chauds !… tandis qu’en l’échoppeLe marchand a le dos tournéGavroche, qui passe en pénard, lui choppeDe quoi remplacer son dîné.Bien qu’au thermomètre maussadeÇa marque au-dessus de zéro,Il court tracer une glissadeOù se rôtir au brasero.3Chauds, les marrons, chauds !… La vieille radeuseDont l’appel sonne comme un glasEt qui bat son quart tristement hideusePar la gelée et le verglas,La pauvre catin aux mains gourdes,Sous l’œil menaçant du merlu,Guette les soûlauds et les gourdesQui viennent dans le brouillard flou.4Chauds, les marrons, chauds !… C’est la dure bise ;La rue est poudrée à frimas.Et, sur l’horizon à la teinte bise,Se dressent d’étranges schémas :C’est la légion miséreuseQui va, muette en ses haillons,Et qui chaque jour plus nombreuse,Organise ses bataillons.5Chauds, les marrons, chauds !… Lorsque viendra l’heurOù tout ce monde comprendraQu’on se fout de lui quand il prie et pleurePour son triomphe il s’unira.La chose alors sera bâcléeEn cinq sec. Malheur aux manchots !Car dans la suprême racléeIls pleuvant chauds, les marrons chauds !
Chanson « Chauds, les marrons ! » de Léon de Bercy ; musique de Jean Cerneuil
In Le Libertaire, 3e série, nº 45 (7-14 octobre 1900).