1Au temps de Toussaint, dans le vent qui pleureLa chute des derniers rameaux,Qui va saccageant tout ce qui effleureEt qui porte en soi tant de maux,-- Pour qui sait comprendre — une plainte passeÉmanant des déshéritésSans cesse acculés à la dure impasseDes cruelles fatalités.2Au temps de Toussaint, dans le vent qui siffleAu nez des vaincus, des aigris,Qui cingle et bleuit ainsi qu’une gifleLeurs tristes faces d’amaigris,Une moquerie amère s’élèveQui dit l’immense vanitéDe l’effort constant, du devoir, du rêveEt de la pâle charité.3Au temps de Toussaint, dans le vent qui crieParmi les saules et les ifs,Près du tumulus où la mode prieMâchant des regrets évasifs,On entend gémir, lorsque, la nuit tombe,Comme de pitoyables voix,Concert effrayant que chante outre-tombeLe chœur des martyrs d’autrefois.4Au temps de Toussaint, dans le vent qui mugie,Lamentable miserereDe ceux qu’assomma le destin aveugleMonte l’appel exaspéré.Sache l’écouter, toi qui les repousses,Car, lassés de tendre la main,Ils pourraient bien, si tu ne mets les pousses,S’ériger en maître demain.5Au temps de Toussaint, dans le vent qui grondeEl nous harcèle en maugréant,Rauque, roule et rage un soufle de frondeQu’on dirait venir du Néant ;Ce sont des sanglots où, par instants sembleSe mêler le rire infernalQue les réprouvés pousseront ensembleQuand viendra le chahut dual.
Chanson « Au temps de Toussaint » de Léon de Bercy ; musique de Jean Cerneuil
In Le Libertaire, 3e série, nº 48 [marqué 47] (28 octobre-4 novembre 1900).