À bas Biribi

1

Lorsque du jour s’éteint la féerie,

Quand l’ombre opaque envahit terre et flots,

Des chotts, des monts et du bled d Algérie

Monte un bruit sourd de pleurs et de sanglots ;

Ce sont vos fils, bonnes mamans de France,

Qui dans la nuit vous envoient comme adieux

Leurs cris de rage ou de désespérance

Contre l’Afrique aux bagnes odieux.

 

(refrain)

Sol exécré, glèbe maudite,

Où la férocité s’abrite,

Lieu d’épouvante et de terreur

Où le crime étend son horreur,

Terre de honte,

Contre toi montent

Nos haines et notre dégoût ;

Allons, mamans, toutes debout,

Le peuple gronde

Et sur le monde,

Du Nord jusqu’au Midi,

A retenti ce cri :

À bas la chiourme et sus à Biribi !

 

2

La hyène au loin jette un rire effroyable

Auquel répond l’aboiement du chacal,

Dans un silo, moribond pitoyable,

Le camisard songe aux horreurs du « bal » ;

Des que Phébus embrasera le large.

Vite un clairon sonnera le réveil

Et, tout meurtri, succombant sous sa charge,

Le gueux devra pivoter au soleil.

 

refrain

 

3

Insultes, coups, soif et faim, crapaudine,

Meurtres savants, tombeau, fers et bâillon,

Sont jeux permis à l’ignoble vermine

Que l’étendard nourrit sous son haillon ;

Choyez-les bien, ces fruits de vos entrailles,

Pour qu’à vingt ans, mères, d’affreux bourreaux

Les ayant fait périr sous les ferrailles.

Jettent leur corps en pâture aux corbeaux.

 

refrain

 

4

Hideux gradés, monstres, brutes humaines,

Dont les instincts sont d’un Torquemada,

Versez du sang aux sables chauds des plaines

Que nul engrais jamais ne féconda.

Mais si la foule, un jour prochain vous traque

Comme un limier aux talons du bandit.

Rois du désert, craignez fort la matraque

Que votre bras insolemment brandit.