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Ce que chantent les heures

Sivral, Jack

vendredi 3 mars 2023, par claude

Texte de Jack Sivral (≤1908).
1
Écoutez dans vos demeures
Par les soirs chanter les heures…
 
Dans la somnolence des soirs,
Les Heures s’égrènent joyeuses,
Et par leurs notes amoureuses
Font naître d’ultimes espoirs.
Les Heures chantent sans trêve,
Sur l’argent ou sur l’airain,
L’aube naissante du rêve,
L’amour, charme souverain.
 
Écoutez dans vos demeures
Par les soirs tinter les Heures.
 
2
Écoutez dans vos demeures
Par les soirs chanter les Heures.
 
Les Heures chantent tristement
Aux profanes les peines lourdes,
Et de leurs voix lentes et sourdes,
Invitent au recueillement !
C’est le chant de mainte gueuse,
S’en allant par le soir brun
Offrant ’a chair douloureuse
Le cœur las, l’orgueil défunt.
 
Écoutez dans vos demeures
Par les soirs pleurer les Heures.
 
3
Écoutez dans vos demeures
Par les soirs, chanter les Heures.
 
Elles chantent lugubrement
Lorsque par les nuits lumineuses
Errantes des ombres peureuses
Cheminent lamentablement.
C’est la chanson des misères
Des ventres creux, des sans-pain,
Des Jacques, des sans-chaumière.
L’éternel chant de la faim.
 
Écoutez dans vos demeures.
Par les soirs, gémir les Heures.
 
4
Écoutez dans vos demeures
Par les soirs, chanter les Heures.
 
Elles chantent violemment
Les révoltes et les colères,
Toutes généreuses chimères
Que les parias vont clamant.
L’angoisse courbe les têtes,
L’homme perçoit l’avenir
En ses utiles tempêtes.
Tous ces affronts vont finir.
 
Écoutez dans vos demeures
Par les soirs, gronder les Heures.

Paru aussi in : Le Libertaire, 4e série (1899-1901), in 14e année, nº 38 (19-26 juillet 1908).