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Les

Marionnettes de la Sociale

Mouton, René

dimanche 5 mars 2023, par claude

Texte de René Mouton (≤1904). Sur l’air : « Le Rêve de M. Drumont » de Victor Tourtal. « Créé par l’ami Gratien. »

À tous ceux qui peuvent s’y mirer et s’y voir, je dédie ces vers.

1
Les mots d’honneur, de probité,
Un peu partout dans notre France,
Par les preux de l’honnêteté
Sont savourés tels du lard rance
Mais Bobèche sur ses tréteaux,
Qu’il soit Crampois ou bien Deville,
Fait toujours des petits bateaux
Pour la « canaille », enfant servile.
 
2
Marat. Babeuf, enfin Blanqui,
Sont du Passé que l’on renie.
Arlequin est n’importe qui
Dans le Présent, qu’on glorifie ;
Prenant le chemin d’un Clément,
Dans ses souliers [1], parvient de suite ;
Mère Sociale est sa maman
Car son bon lait, l’élève vite.
 
3
Pour Ion estomac bedonnant
Quand il se trouve à la Bataille [2],
Il chante, ô bourgeois ruminant
Le couteau qui fera l’entaille.
Mais député, gras et cossu,
Mieux qu’un bon moine de Thélème,
Il sait goûter le trop-perçu
Et défend les bedons qu il aime.
 
4
Narguant les noirs de sa couleur,
Il court marchander ses pastilles :
« Vous aurez, nègres, ma blancheur,
La force à prendre des Bastilles. »
Des pardessus pour candidats,
Sa tête qui jamais ne change,
Des rouges fleurs pour ses soldats,
En convaincu fait-il l’échange.
 
5
Un baron s’unit au soudard
Et, pour les presser à se taire,
Le laid bourdon pique du dard
Les punaises de presbytère.
Dedans (!), oh ! pour vous ouvriers,
Jamais il ne pense et ne bouge
Mais dehors (!), il vous veut rentiers [3],
Et dans son lit, il voit du rouge.
 
6
Un autre encore, fameux tribun,
S’en va danser la Carmagnole.
Ses rejetons sont au Jourdain
Ou baisent les pieds d’une idole ;
Pour le bien de l’Humanité.
Il est le seul qui raisonne.
Demain il fera l’Unité
En ne comptant que sa personne.
 
7
Leurs plats valets [4], sont des docteurs,
D’anciens curés recrutant l’âme.
Les moindres pions sont rédacteurs :
À mieux torcher, je les condamne.
Dans leur « maison », si nous entrons,
Tout ce troupeau surgi de l’ombre,
Nous fait l’effet de ces étrons
Qui nous effrayent par leur nombre.
 
8
Chiens et bergers ont des agneaux,
En ce jour dépourvus de laine,
Ils n’ont plus que la peau, les os
Pauvres Jonas pour la baleine,
Servant ton frère, ô Rochefort,
Pour bien sauver la République,
ils vont toujours gueulant plus fort
Et sont présents à la réplique.
 
9
Parfois des lions prêts à bondir,
Des gueux flétris par la misère,
Lorsque l’avril va refleurir,
Ont affronté votre colère.
Gredins de tous et de partout,
Qui bénissez coups et torgniolles,
Prenez garde qu’un de ces jours,
Demain, vous fassent d’autres fioles.

Paru aussi in : Le Libertaire, 4e série (1899-1901), in 10e année, nº 39 (1er-8 aout 1904).

[1On sait comment le bon cœur du semeur J.B. Clément, de l’auteur du Temps des Cerises, le fit se débarrasser de ses chaussures.

[2M. G… R…, directeur d’un quotidien socialiste bien connu, fit en 1881 à la salle Lévis, la Bataille, où figurent ces vers féroces. Il n’était à celle époque qu’un miséreux. Révolutionnaire et apôtre de l’Action directe, il devint avec la fortune, le champion du ministérialisme à outrance et de l’opportunisme socialiste.

[3M. Millerand étant ministre, ne peut et ne veut rien pour la classe ouvrière. Une fois sorti, il veut obliger ses successeurs à marcher contre les intérêts bourgeois dont ils ont la garde.

[4Lire la Petite République. (Réclame s.g.d.g.).