C’était un gueux qui, par les rues,Portait son audace bourrue,Édifiant les déshéritésQui vivent de mendicité.Ah ! disait-il, frappant aux portesDes bourgeois riches, qu’on m’apporteDu painEt, pour rompre un jeûne sévère,Près du bon pain qu’on mette un verreDe vin.Je n’ai plus rien, ni sou ni maille ;Mais j’ai des gars, de la marmailleQui court.Donnez quelque chose aux mioches,Pour eux qu’on sorte les briochesDu four.Et j’ai laissé ma vieille femmeCourbée sur un foyer sans flamme,MorbleuChargez de bûches mes épaules,Que j’aille faire dans ma « Taule »Du feu !Les bourgeois effrayés, des huchesTiraient le pain, changeaient les bûches,Transis,Et le pauvre, las de maudire,Laissait tomber dans un sourire :Merci !Mais, quand par les bouches muettes,Le dédain que rien n’inquièteParlait,Le bon diable, en bêle féroce,Pour sa compagne et pour ses gosses,Volait.C’était un gueux qui, par les rues,Portait sa révolte bourrue.
Chanson
Boissie, Pierre
lundi 6 mars 2023, par
Texte de Pierre Boissie (≤1902).
Paru aussi in : Le Libertaire, 4e série (1899-1901), in 9e année, nº 6 (14-21 décembre 1902).