1Chez les peuples civilisés,C’est-à-dire : Terrorisés…Après l’école, la familleEt l’église (cette guenille !)Nous avons, bagne permanent,Cette geôle : le régiment.2Chacun s’y rend triste ou joyeuxSelon qu’il est plus ou moins gueux ;Qu’il chante ou pleure sur la route,La cervelle et l’âme en déroute,L’homme va DÉLIBÉRÉMENTS’emprisonner au régiment.3Adieu volupté, joie, amour !…« Bah ! c’est dans trois ans le retour… »Quelle attende un brin la payse,— Déjà mère, amante, ou promise —Ou quelle prenne un autre amant…On broie les cœurs au régiment.4Les mères, malgré leur émoi,S’inclinent devant — sombre loi…L’impôt du sang — ainsi l’on nommeCette servitude de l’homme :Apprendre méthodiquementÀ tuer, but du régiment.5Les soldats de profession,Aux gages d’une nation,Docteurs es-crimes, après boire,Rêvent de conquêtes, de gloireDont le carnage est l’ornement ;On est lugubre au régiment.6Plus despotes que les tyrans,Ces messieurs usent — mots courants,La langue verte la plus cruePour qualifier la recrueQui dépasse l’alignementCher aux cuistres du régiment.7Ils ont fait leurs humanités…Amoureux des passivités,Ils goguenardent et, brutalisentLe pioupiou qu’ils ridiculisent,À toute heure, ostensiblement :On n’est pas brave au régiment.8Celui-ci, son âme brisant,Ouvrier, bourgeois, paysan,Cependant que le maître exulte,Courbe l’échine sous l’insulte,Par peur ou par tempérament ;On devient lâche au régiment.9Parfois, un homme, se trouvantParmi les pitres, (fou rêvantDe la justice), enfin se cabreEt crache sur le plat du sabreSon dégoût, son écœurèrent,À la face du régiment !10Bons camarades, soucieuxDe congratuler ces messieurs…Ses frères d’armes de naguèreTémoignent au conseil de guerreDu fait ! — C’est dans le règlementThéorique du régiment.11C’est cinq ans, dix ans, vingt, la mort.Le droit cède au droit du plus fort !Logique vraiment militaire :Il faut succomber ou se taire,Car : être vaillant librement,C’est faire affront au régiment,12Souvent, — pour se faire la main ! !On traque le bétail humainAu fond de quelque obscure Afrique,On traque, on tue, on pille, on triqueLes populaces — simplementPour la, gloire du régiment !13Si l’on revient, triste bétail,On n’a plus le goût du travail ;On n’aime plus rien que l’orgie ;On parle de lame rougieDans les poitrines…, simplement :On est cynique au régiment.14Nous autres, les gueux révoltésLes anarchos, les indomptés,Nous voulons briser les épéesEt méprisant les épopées,Nous revendiquons hautementLe droit de fuir le régiment.15École absurde où la bontéS’engloutit dans l’insanité ;École du crime où l’horribleCôtoie, ayant l’être pour cible.La honte et l’asservissement !C’est le bilan du régiment.16Nous qui voulons en paix aimer,Nous tenons à vous informer,Repus et prêtres de ripaille !Que : si nous faisons la batailleDans un suprême emportement∞C’est pour vaincre le régiment.17Au jour de révolution.Peuples, groupés pour l’action,Abattrons pitres et fantoches !Les vieux côtoieront les gavroches,Marchant vers l’affranchissement ;Plus ne sera de régiment !
Paris, le 10 novembre 1901.