Accueil > Chansons > Paternité

Paternité

Galilée, Charles

lundi 6 mars 2023, par claude

Texte de Charles Galilée (1901).
Quoi qu’je m’sente encore assez d’sang
Four en fabriquer un p’tit mioche !…
— Même que j’y donn’rais la brioche,
Pour pas qu’i pleure, à c’t innocent,
Eh ! ben ! j’en frai pas de c’te vie…
J’aurais trop peur que l’chérubin,
Après la brioche, n’ai pas d’pain !
Et n’respire pas à son envie !…
 
Encor, si j’avais un’ maison,
Une langu’ de terre et un’ charrue…
J’ dirais : « Y s’ra pas dans la rue
S’il arrive un’ mauvais’ saison…
Il vivol’rait p’t’être à la douce…
Et il égaierait mes vieux ans !…
 
À moins qu’un boulet en rasant
Me l’enlèv’… quand y s’rait pouss’-pou’sse.
 
C’est bien c’qu’arrive l’plus souvent…
Pour des chos’s qu’on peut pas bien dire
On avanc’ qu c’est comme l’délire…
On l’sait pas plus après qu’avant…
Les grands homm’s disent que c’est « nécessaire »…
Qu’ ça régénèr’ les habitants…
Qu’c’est pour ça qui faut des « enfants » !
Dame ! c’est vite arrivé… la guerre…
Ah ! des enfants !… J’leur en f’rai pas !…
J’leur en f’rai pas ! des bébés roses !…
…Mon sang s’ fout de leurs apothéoses !…
Y vit pas pour marcher au pas…
Y veut pas blêmir sous l’insulte !…
Y vit pas pour ce genr’ de sport.
…Pour le répandr’ : faut qu’on l’consulte !
Y s’ fout d’la forc’ !… du fanfaron !…
Qu’on chant’ la croix et la bannière :
Y finira pas sa carrière,
Sur un canon, dans un juron !…
Il a trop enduré d’misère
Pour procréer des miséreux !…
Il a trop vu de ventres creux
Pour engrosser celui d’une mère !
 
Et ce serait si bon, pourtant,
De voir la femme dorlotant
Le petit près de la grand’mère.

Paru aussi in : Le Libertaire, 4e série (1899-1901), in 8e année, nº 3 (30 novembre-6 décembre 1901).