1Là-bas, au bout du pont des Arts,La brave assistance publique,A recueilli quelques vieillardsDans un vieux palais historique ;Là, dans le silence et l’oubli,Loin des misères de la vie,Ils donnent en paix, sans souci :C’est l’œuvre de l’Académie.2Ces vieillards sont d’heureux élusÀ qui l’État sert une rente ;Comme ils sont trente-neuf au plus,On les appelle : les quarante ;Combien de talents reconnusDans cette docte compagnie,Et qui resteraient inconnusS’ils n’étaient de l’Académie.3Ce sont tous des célébrités ;L’un est fameux par son génie,Un autre par sa nullité,Chacun selon sa fantaisie…On les a sacrés immortelsPour tout le restant de leur vie ;C’est l’apanage officielDes membres de l’Académie !4Mais, ne pénètre pas qui veutSous la coupole vénérée,Car pour prendre ni ace avec eux,Suivant la règle consacrée,Il faut que l’on soit, avant tout,Homme de bonne compagnie,Et très souple des reins, surtout,On l’exige à l’Académie5Ils vont, tout de vert habillé,-- C’est l’uniforme de l’asile !Les jours de gala, frétillerDans les grands salons, à la ville ;Ils portent l’épée au côtéPour affirmer à qui le nie,Cet hémoroisme indomptéDes vieillards de l’Académie !6Quoiqu’on ait osé soutenirÇa sert toujours à quelque chose ;C’est le Temple du Souvenir,Le dernier salon où l’on pose ;Et puis, comme positionPour quelques vaincus de la vie,C’est une consolationQue d’être de l’Académie !7Parfois, lorsque l’un d’entre eux partPour accomplir le grand voyage.Les journaux citent, sans retard.Le nom du défunt personnage ;Et ce sont ces rares mentions,Seules, qui font que nul n’oublieQue pour l’honneur de la nation,Il existe une Académie !
L’
Académie
Dhervyl, Fernand
lundi 6 mars 2023, par
Texte de Fernand Dhervyl (≤1901).
Paru aussi in : Le Libertaire, 4e série (1899-1901), in 8e année, nº 5 (13-20 décembre 1901).