1Problocs, propriétaires, proprios,Pullulent gras, plus que des poux. — Masures,Maisons de rapport, cottages, châteaux,Terrains… tout est leur bien, parce qu’ils eurentL’audace de le dire, un jour d’usure.À les en croire, toute la terre est leur :Ils l’ont payée, achetée ! Et les fleurs,Les fruits, les blés et la nature touteCroissent pour leur seul bien-être !— Ribleurs.Les proprios n’ont pas muré les routes…2Fils à papa, tarés dès le berceau,Gueux parvenus par l’ordre et la mesure,Faux mendiants enrichis par les sots,Marlous d’un dieu que la bêtise azure.Ont mi-bas tous droits. Dans l’embrasureDe leur fenêtre… quand le vent siffleurGifle leur face, ils appellent : « Au voleur ! »Sphynx orgueilleux que les simples redoutent ;Pitres sans rire, hélas !…Ô Bateleurs !Les proprios n’ont pas muré les routes…3Les huissiers vils, en quête d’osÀ ronger, s’évertuent — magistrature ?À déchirer les malheureux lambeauxDes miséreux qui ne paient la facture.Braqués, chassés, les pauvres sans clôtureS’en vont transis, lâches, vaincus, trembleurs,Cacher leur peine, honteux de leur pâleur,Dans un autre antre, et plus avant s’encroûtent,Et plus encore rampent !— Souffre-douleur !Les proprios n’ont pas muré les routes…4Quand, se gaussant des buses, un moineauS’envole et chante, en dépit des ferrures,Sans rien laisser dans l’ombre du créneauQu’un parfum vague, et d’amour et d’ordures…Nous rions ! car : nulles les procédures ;Nus les exploits des fauves oiseleurs ;Nulles aussi les menaces !…ValeursBrûlent les mains de ceux qui les filoutent.Terrorisons les mufles, francs-fileurs !Les proprios n’ont pas muré les routes…5Ainsi parfois, narguant les vieux trumeaux,Viennent sans peur quelques âmes obscuresGrossir la masse — aux villes, aux hameaux —Des révoltés ; élargir les piqûresFaites au cœur des poux de sinécures,Des parasites de toutes couleurs,Monde affolé par les cambrioleurs ;Monde juché sur un trône de doutes,Par l’inconscience humaine.— Ah ! Malheur !Les proprios n’ont pas muré les routes…envoiUn jour d’orage où tanneront les pleursDes expulsés, se paieront les douleurs.— Peuples ! Vos pas ébranleront les voûtesDes vieux châteaux quand vous voudrez ! — Les fleurs,Les fruits, les blés…, sont à ceux qui les broutent.Quand vous voudrez les temps seront meilleurs :Les proprios n’ont pas muré les routes…
Paris, le 17 février 1902.