Accueil > Chansons > Candidat

Le

Candidat

vendu, un

mardi 7 mars 2023, par claude

Texte anonyme signé « Un vendu » (≤1902). Sur l’air : « Le Couteau » (1900) du chansonnier Théodore Botrel (1868-1925).
1
Pardon, monsieur le Candidat,
Voulez-vous nous entendre ?
Vous qui réclamez un mandat,
Saurez-vous nous défendre ?
— Bons électeurs, je vous écoute,
Parlez. Et sur l’honneur,
Je saurai bien, coûte que coûte,
Faire votre bonheur.
 
2
Nous travaillons matin et soir,
Tout le jour à l’ouvrage,
Mais l’avenir est sans espoir
Et nous perdons courage.
— Bons électeurs, sur ma promesse,
Comptez avec raison ;
Vous aimez, pour votre vieillesse,
Le pain et la maison.
 
3
Nous nous exténuons sans fin
Pour un maigre salaire,
Mais nos enfants ont toujours faim,
Nous ne savons qu’y faire.
— Bons électeurs, soyez sans crainte,
Je sais ce que je dois ;
Et je transmettrai votre plainte
À Messieurs les Bourgeois.
 
4
Nous sommes brisés et fourbus,
Durant toute l’année ;
Nous avons les membres rompus,
Trop longue est la journée.
— Bons électeurs qu’on persécute
Si je suis candidat,
C’est afin d’entamer la lutte
Contre le patronat.
 
4
On prend nos enfants à vingt ans ;
On les jette aux frontières ;
Pourquoi donc ces combats sanglants ?
Tous les hommes sont frères.
— Savoir défendre, sa Patrie,
Mourir pour le drapeau,
C’est bien un sort digne d’envie,
C’est le sort le plus beau !
 
5
Mais vous, monsieur le candidat
Répondez sans mystère ;
Vous plaignez notre triste état,
Que comptez-vous y faire ?
— Mes bons amis, il faut m’élire,
Le moment est venu ;
Les oppresseurs ne vont pas rire,
Si je suis votre élu.
 
6
Nous sommes toujours exploités,
Il est temps que ça cesse ;
Nous voyons tous nos députés
Faillir à leur promesse ;
— Mes amis, soyez sans rancune,
Laissez-moi réussir ;
Et j’irai décrocher la lune
Pour vous faire plaisir.
 
7
Quand le grand moment arriva,
L’électeur bénévole,
Pour le bon apôtre vota,
Croyant en sa parole ;
Mais lui, grisé par sa fortune
Les lâcha sans détours,
Puis à la Chambre, à la tribune,
Il fit un long discours.
 
8
Depuis on le voit s’engraissant,
Bouffant notre galette ;
Parfois, il déclare en riant
Que le peuple est trop bête.
Vous pourrez vous offrir nos poires,
Tant que tous vos crétins
Iront aux urnes dérisoires
Porter leurs bulletins.

Paru aussi in : Le Libertaire, 4e série (1899-1901), in 8e année, nº 20 (23-30 mars 1902).