La Canaille est le fruit de votre Société.
1Quand la nuit descend sur Paris,Tristes, les miséreux cheminent,Le ventre creux et sans logis,À leur air las ils se devinent.Il s’en vont coucher sous les pontsOu sur les berges de la Seine.Pour eux tous les endroits sont bons,Pour ne plus penser à leur peine.Ils rêvent dormir dans un lit,Mais soudain ce cri retentit :Rafle, rafle cette canaille,Rafle, rafle cette racaille,Pourchasse donc jusqu’au matinDéclassé, grinche ou purotin.Policier, tu n’as pas d’entrailles,Car ces pauvres sans sou ni mailleNe sont, le fait est bien certain,Que les parias du genre humain.2Agents des mœurs ou bien flicards,Pour sauter les filles publiques,Descendent sur les boulevards,Après trois bonnes Républiques !Alors, monte-en-l’air ou marlous,Dans une folle galopade,Se cavalent comme des fousVoyant le panier à salade.Tout aussitôt poussent ce criQui se répète dans la nuit :Rafle, rafle cette canaille,Rafle, rafle cette racaille,Pourchasse donc jusqu’au matinPoivrot, souteneur ou catin.Policier, tu n’as pas d’entrailles,Car les grands pour qui tu travaillesMettent sur le tas les catins,Les marlous et les purotins !3Groupés autour de ce drapeauPour aller défendre la France,Des gas se font trouer la peauPour la gloire de la Finance.On entend tonner les canons,On grise l’homme d’eau-de-vie,On fait charger les escadrons,Soldat, c’est un vent de folie !Mais la charge au loin retentit.Les sauvages poussent ce cri :Rafle, rafle cette canaille,Et dans l’ardeur de la bataillePourchasse avec acharnementL’Anglais, l’Italien, l’Allemand.Réfléchis que ce sont tes frèresEt qu’ils ont les mêmes misères ;Songe que tu rougis tes mainsPour le plaisir des souverains.4Les forçats, les crève de faim,À l’usinier qui les exploiteDemandent un peu plus de painQuand dans son palais tout miroite.Las de toujours se résignerSans voir la fin de sa souffrance,L’oppressé veut se révolter,C’est vraiment par trop d’impudence !Les agents chargent sans merciEt la foule pousse ce cri :Rafle, rafle cette racaille,Rafle, rafle cette canaille,Pourchasse donc jusqu’au matinLes pauvres travailleurs sans pain.Policier, tout homme est un frère,Ta fonction sème la misère ;Mets bas tes frusques de laquais,Combats avec nous désormais !