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C’est la rafle !

Lanoff, Robert

samedi 11 mars 2023, par claude

Texte (chanson) de Robert Lanoff (ca 1911 ?).

La Canaille est le fruit de votre Société.

1
Quand la nuit descend sur Paris,
Tristes, les miséreux cheminent,
Le ventre creux et sans logis,
À leur air las ils se devinent.
Il s’en vont coucher sous les ponts
Ou sur les berges de la Seine.
Pour eux tous les endroits sont bons,
Pour ne plus penser à leur peine.
Ils rêvent dormir dans un lit,
Mais soudain ce cri retentit :
 
Rafle, rafle cette canaille,
Rafle, rafle cette racaille,
Pourchasse donc jusqu’au matin
Déclassé, grinche ou purotin.
Policier, tu n’as pas d’entrailles,
Car ces pauvres sans sou ni maille
Ne sont, le fait est bien certain,
Que les parias du genre humain.
 
2
Agents des mœurs ou bien flicards,
Pour sauter les filles publiques,
Descendent sur les boulevards,
Après trois bonnes Républiques !
Alors, monte-en-l’air ou marlous,
Dans une folle galopade,
Se cavalent comme des fous
Voyant le panier à salade.
Tout aussitôt poussent ce cri
Qui se répète dans la nuit :
 
Rafle, rafle cette canaille,
Rafle, rafle cette racaille,
Pourchasse donc jusqu’au matin
Poivrot, souteneur ou catin.
Policier, tu n’as pas d’entrailles,
Car les grands pour qui tu travailles
Mettent sur le tas les catins,
Les marlous et les purotins !
 
3
Groupés autour de ce drapeau
Pour aller défendre la France,
Des gas se font trouer la peau
Pour la gloire de la Finance.
On entend tonner les canons,
On grise l’homme d’eau-de-vie,
On fait charger les escadrons,
Soldat, c’est un vent de folie !
Mais la charge au loin retentit.
Les sauvages poussent ce cri :
 
Rafle, rafle cette canaille,
Et dans l’ardeur de la bataille
Pourchasse avec acharnement
L’Anglais, l’Italien, l’Allemand.
Réfléchis que ce sont tes frères
Et qu’ils ont les mêmes misères ;
Songe que tu rougis tes mains
Pour le plaisir des souverains.
 
4
Les forçats, les crève de faim,
À l’usinier qui les exploite
Demandent un peu plus de pain
Quand dans son palais tout miroite.
Las de toujours se résigner
Sans voir la fin de sa souffrance,
L’oppressé veut se révolter,
C’est vraiment par trop d’impudence !
Les agents chargent sans merci
Et la foule pousse ce cri :
 
Rafle, rafle cette racaille,
Rafle, rafle cette canaille,
Pourchasse donc jusqu’au matin
Les pauvres travailleurs sans pain.
Policier, tout homme est un frère,
Ta fonction sème la misère ;
Mets bas tes frusques de laquais,
Combats avec nous désormais !

Paru aussi in La Voix du peuple : organe de la Fédération des unions ouvrières de la Suisse romande (Lausanne, 1906-1914), in 7e année, nº 28 (17 février 1912).