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Désirs de pauvre

Bizeau, Eugène

dimanche 30 avril 2023, par claude

Texte d’Eugène Bizeau (1910). Musique d’Auguste Fay.
1
Avoir un toit pour abriter ma tête
Où la révolte est éclose, à la fin,
Au lieu du trou battu par la tempête
Où bien des fois j’ai cru mourir de faim ;
Puis en avril, quand la nature en fête,
D’aimer nous dit que le jour est venu,
Avoir le temps de faire une conquête :
Amis, voilà ce que j’aurais voulu,
Amis, voilà ce que j’aurais voulu !
 
2
De tout ouvrage où la raison circule
Comme un parfum d’asphodèle et d’œillets,
Avoir, du livre au plus humble opuscule,
La faculté d’entr’ouvrir les feuillets ;
Avoir en homme et non plus en esclave,
Le droit d’agir ainsi qu’il m’aurait plu ,
Avoir du cidre et du vin dans ma cave ;
Amis, voilà ce que j’aurais voulu !
 
3
Avoir l’ombrage et les faînes des hêtres
Que j’aurais mis autour de ma maison ;
Avoir des nids à toutes mes fenêtres,
Et des bouquets des fleurs de la saison ;
Avoir des prés, des taillis et des landes
Pour y rêver d’un printemps révolu…
Parmi les joncs, les thyms et les lavandes :
Amis, voilà ce que j’aurais voulu !
 
4
Avoir, ainsi que tout être en ce monde,
Sur mon chemin du bonheur par endroits,
Et des moissons de la machine ronde
Avoir la part à laquelle j’ai droit ;
Avoir enfin le doux plaisir qu’au sein du superflu
De ce plaisir chacun de vous s’enivre :
Amis, voilà ce que j’aurais voulu !

Paru dans La Chanson aux chansonniers, collection 1910, 3e année, 2e série.

Paru aussi in : Manfredonia, Gaetano. — Libres ! Toujours… : anthologie de la chanson et de la poésie anarchistes au XIXe siècle. — Lyon : Atelier de création libertaire, 2011 (p. 170).