1Billets de banque et papiers de chicanePar qui de nous la Finance ricaneQuand, pour grossir son immense butin,À nos chantiers nous partons le matin :Codes sanglants qui font les populacesDe l’esclavage arpenter le béton :Nous brûlerions tout cela sur les places,Si nous avions de la barbe au menton !2Drapeaux souillés dans la fange des luttesQui des vaincus démolissent les huttes,Képis dorés, uniformes, galonsDes assassins en rouges pantalons :Robes de ceux dont le saint ministèreD’obscurité noye encor le canton :Nous jetterions tout cela dans la terre,Si nous avions de la barbe au menton !3Temples du vol et palais du mensonge,Autels du vice où la foule se plonge,Taudis boueux sans soleil et sans air,Prisons d’airain de nos villes d’enfer :Salles de fête, où l’on dresse des tablesPour la débauche en bonnet de coton :De tout cela nous ferions des étables,Si nous avions de la barbe au menton !4Traîneurs de sabre et marchands d’injusticeBrasseurs d’argent dont l’audace ratisseLes blonds épis par la plèbe glanés,Porte-soutane et laquais galonnés ;Législateurs et robins de prétoire,Dont Marianne est l’infâme gotton ;Vous seriez mûrs pour le four crématoireSi nous avions de la barbe au menton !
Couverture de « Si nous avions de la barbe au menton ? » d’Eugène Bizeau. La Muse rouge (série « Chanson noire » ?). Collection 1910, 3e année, 4e série.