1Ou j’travaill’ dans la grande usineNous possédons un chic patronBien gros bien gras il a bonne mineEt de plus c’est un bon garçonAu lieu de s’laisser vivr’ tranquilleMangeant ses rent’s sans s’inquiéterIl aim’ mieux se fair’ de la bilePour fair’ travailler l’ouvrierCar c’est bien par pitié pour nousQu’il nous donn’ ses pièc’s de cent sous.Le gros industrielEst tout sucre et tout miel,Il ballade sans passionSa bonhommie et son million,Sa position lui vaut saluts et coups d’chapeaux,À lui la gloire et honneurCar c’est un grand bienfaiteur !2Comm’ c’est un philanthrop’ sincèreGrand partisan d’légalitéPour le tirer de la misèreChez lui l’beau sexe est accepté.Pourtant su’ l’rapport du salaireIl est moins généreux, je crois,Mais un’ femm’ s’tir’ toujours d’affaireQuand ell’ possède un frais minois.Le tout, vraiment, est de savoirSe faire jeter le mouchoir.Le gros industrielEst tout sucre et tout miel,Il ballade sans passionSa bonhommie et son million,Sa position lui vautSaluts et coups d’chapeaux,À lui la gloire et tout honneurCar c’est un grand protecteur !3Un camarade eût l’avantage,À forc’ de se creuser l’cerveau,D’trouver pour avancer l’ouvrageUn systèm’ pratique et nouveau.Malheur il n’avait pas d’galettePour lancer sa p’tit invention,Mais à vil prix l’patron pas bêteEn fit tout d’suite l’acquisition.L’ouvrier pass’ pour un navetEt c’est l’patron qui tient l’brevet !Le gros industrielEst tout sucre et tout miel,Il ballade sans passionSa bonhommie et son million,Sa position lui vautSaluts et coups d’chapeaux,À lui la gloire et tout honneurCar c’est un grand inventeur !4Puis en mêm’ temps que sa boutiquePrenant une immense extension,Il s’lança dans la politiqueEt fut l’coq de son opinion.Dans notr’ contré’, plein de vaillance,Tout dernièr’ment l’on a votéEt la vill’ pour sauver la France,L’choisi pour son député !C’est un’ gloir’ pour les travailleursD’avoir été ses électeurs !Le gros industrielEst tout sucre et tout miel,Il ballade sans passionSa bonhommie et son million,Sa position lui vautSaluts et coups d’chapeaux,À lui la gloire et tout honneurCar c’est un grand législateur !
chanson « Le Gros industriel » de François-Henri Jolivet (La Muse rouge, vers 1912)