Dans toute la région du Nord, les mamans pauvres ont l’habitude de confier leurs bébés à une soigneuse. Puis elles s’en vont gagner leur vie à la fabrique, à l’usine, dans les tissages.
La soigneuse a beaucoup d’enfants à garder. Pour ne pas être dérangée elle leur fait boire le « dormant » qui est une décoction de tête de pavot ! Le petit bébé gorgé d’opium… s’endort
Marcel Sembat (Les Hommes du jour).
Voyant pour l’usin’ partir sa mère,Le pauvr’ ‘tit « quinquin » abandonné,Dans ses langes gris de la MisèreS’débat en gueulant comme un damné !Alors la vieille « soigneuse »,En manière de berceuseGrogn’ tout en faisantTéter sa drogue à c’t’innocent !RefrainTiens, vlà du « dormant »Ch’tit garnementQui gueul’ tout l’temps…Tu ne gueul’ras plusLorsque tu l’auras bu !Voyant les richess’s qui sont sur terre,L’ « gosse au dormant » ayant grandi,Devant l’injustic’ de sa misèreCommence à r’sauter comme un maudit :Alors, arrive le PrêtreQui sert au malheureux êtreUne décoctionDe tous les pavots d’la R’ligion…À vingt ans, n’ayant rien su’ la terre,Qu’est-c’qu’il irait faire au régiment ?Se battr’ contr’ des frèr’s de misère :Ça ne lui sourit aucunement !Mais on l’saoûl’ comme un’ bourriqueDe sottis’s patriotiques !Nom de dieu, qu’c’est beauLa gloire et l’honneur du drapeau !Plus tard, sombre esclav’, noir prolétaire,Sentant en son cœur l’orag’ monter,À bout d’injustice, à bout d’misère,Il est sur le point de s’révolter ;Pour le fair’ tenir tranquilleSon député, brave « quinz’-mille »À coups d’bonimentsVient lui foutre encor du « dormant »