À Basly
— Hommes noirs, d’où sortez-vous ?— Nous sortons de dessous terre.Nous vivons au fond des trousDans la mine délétère.De l’aube à l’heure du sommeil,Dans l’ombre, ayant pour unique soleil,L’étoile de la lampe solitaire.Du matin au soir, tous nous travaillons.C’est nous qui cherchonsHouilles et charbons,Afin d’enrichir messieurs les patrons.— Homes noirs, ou fuyez-vous ?— Nous nous sauvons de la mine.La mort fauche dans les trous ;Le grisou nous extermine.Ainsi qu’un sombre oiseau des nuits,Fondant sur les travailleurs dans les puits,Il va mettre en deuil plus d’une chaumineEt, pourtant, demain, nous redescendons.C’est nous qui cherchonsHouilles et charbons,Afin d’enrichir messieurs les patrons.— Hommes noirs, que gagnez-vous ?— À bûcher ainsi sous terre ?— À trimer au fond des trous.Nous gagnons de la misère.À table, du matin au soir,La famine, hélas ! chez nous vient s’asseoirEt quand nous rentrons, notre cœur se serreDe voir nos petits vêtus de haillons.C’est nous qui cherchonsHouilles et charbonsAfin d’enrichir messieurs les patrons.
16 mars 1888
« Les Révérents pères » de Béranger (= « Hommes noirs, d’où sortez-vous ? »)