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Fille d’ouvriers

Jouy, Jules

jeudi 13 octobre 2022, par claude

Texte de Jules Jouy (1887). Musique de Gustave Goublier (1856-1926).

À mon ami Paul Marrot.

« Cependant, le contre-maître a avoué tous les faits dont il est accusé ; ÷ séparé de sa femme, il ne se contente pas de vivre maritalement avec une autre, il a encore pour maîtresse attitrée une jeune fille de vingt ans, travaillant dans es ateliers. » — Cri du peuple (Le Scandale de Saint-Denis)

Pâle ou vermeille, brune ou blonde,
Bébé mignon,
Dans les larmes ça vient au monde,
Chair à guignon.
Ébouriffé, suçant son pouce,
Jamais lavé,
Comme un vrai champignon, ça pousse
Chair à pavé
 
À quinze ans, ça rentre à l’usine,
Sans éventail,
Du matin au soir, ça turbine,
Chair à travail.
Fleur des fortifs, ça s’étiole,
Quand c’est girond,
Dans un guet-apens, ça se viole,
Chair à patrons.
 
Jusque dans la moelle pourrie,
Rien sous la dent,
Alors, ça rentre en brasserie,
Chair à clients.
Ça tombe encore : de chute en chute,
Honteuse, un soir,
Pour deux francs, ça fait la culbute,
Chair à trottoir.
 
Ça vieillit, et plus bas ça glisse.
Un beau matin,
Ça va s’inscrire à la police,
Chair à roussins ;
Ou bien, sans carte ça travaille
Dans sa maison ;
Alors, ça se fout sur la paille,
Chair à prison.
 
D’un mal lent souffrant le supplice,
Vieux et tremblant,
Ça va geindre dans un hospice,
Chair à savants.
Enfin, ayant vidé la coupe,
Bu tout le fiel,
Quand c’est crevé, ça se découpe.
Chair à scalpel.
 
Patrons ! Tas d’Héliogabales,
D’effroi saisis
Quand vous tomberez sous nos balles,
Chair à fusils,
Pour que chaque chien sur vos trognes
Pisse, à l’écart
Nous les laisserons vos charognes,
Chair à Macquart !

27 février 1887


Roussin, argot pour agent de police (la rousse).

Macquart (Désiré), est le nom d’un établissement d’équarrissage de chevaux à Argenteuil mai dont le siège est à Paris, rue du Vertbois.

Héliogabale est un empereur romain qui a régné de 218 à 222 dont la moralité est très décriée par les historiens antiques.


Paru dans : Jouy, Jules. Les Chansons de l’année [1887] (Bourbier et Lamoureux, 1888, p. 107-109)

Voir Wikipédia.

Il s’agit aussi du 6e titre de la série de chansons de Jouy reprises dans le le journal d’Émile Pouget, Le Père Peinard après le décès du chansonnier. Parue ici dans la (2e série, nº 32, du 30 mai-6 juin 1897).

Paru aussi in : Chansonnier de la révolution. — Genève : Le Réveil socialiste-anarchiste, 1902 (p. 81-82).

Paru aussi in : l’Almanach illustré de la chanson du peuple pour 1907. — Paris : La Publication sociale, 1906 (page 18)

Paru aussi in : Le Cubilot. — Aiglemont : 1906-1908. — Nº 17 (19 janvier-2 février 1907)

<:paru_aussi :> Jules Jouy, 1855-1897 : le "poète chourineur" / éd. Patrick Biau. — Sénouillac [France] : P. Biau, 1997 (p. 212).

<:paru_aussi :> Chansonnier illustré de la Chorale Anarchiste de Lausanne. — Lausanne : La chorale anarchiste, 2022.


<disco|titre=1899|date=1988>

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<disco|titre=1305|date=2013>