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Les

Pains

Jouy, Jules

jeudi 13 octobre 2022, par claude

Texte de Jules Jouy (avant 1895). Sur l’air « Les Pins » du chansonnier Pierre Dupont (1821-1870).

À mon ami Lorrain, de l’Opéra

Dans la rue ou souffle l’hiver,
La nuit, en passant, je me hâte,
Quand le geindre, nu comme un ver,
Dans son fournil brasse la pâte :
Derrière la chanson du pain,
Je perçois la plainte émouvante
Des sans-croûtes, quand ils ont faim,
Et des sans-taudis, lorsqu’il vente !
 
Quand l’mitron, dans les pains, gémit,
Dans le lointain, je crois entendre
Un peuple affamé qui frémit ;
Mon âme tressaille à ce bruit ;
Je n’ai jamais pu m’en défendre !
 
Sinistre, sans jamais s’asseoir,
Fuyant les sergots en maraude,
Le vagabond, sur le trottoir,
Comme un voleur, dans l’ombre rôde ;
Christ sans haine pour ses bourreaux,
Il s’arrête, ouvrant la narine,
Devant les larges soupiraux
D’où monte une odeur de farine.
 
Quand l’mitron, dans les pains, gémit,
Dans le lointain, je crois entendre
Un peuple affamé qui frémit ;
Mon âme tressaille à ce bruit ;
Je n’ai jamais pu m’en défendre !
 
Gourmands, au ventre satisfait,
Qui vous croyez invulnérables,
Bourgeois, votre bonheur est fait
De la douceur des misérables.
Patience ! Ils seront vengés :
Au lointain, déjà, le jour gronde
Où, dans les fours des boulangers,
Le pain cuira pour tout le monde !
 
Quand l’mitron, dans les pains, gémit,
Dans le lointain, je crois entendre
Un peuple affamé qui frémit ;
Mon âme tressaille à ce bruit ;
Je n’ai jamais pu m’en défendre !

18 janvier 1887


Paru dans : Jouy, Jules. Les Chansons de l’année [1887] (Bourbier et Lamoureux, 1888, p. 50-51)

Il s’agit aussi du 9e titre de la série de chansons de Jouy reprises dans le le journal d’Émile Pouget, Le Père Peinard après le décès du chansonnier. Parue ici dans la (2e série, nº 35, du 20-27 juin 1897).

<:paru_aussi :> Jules Jouy, 1855-1897 : le "poète chourineur" / éd. Patrick Biau. — Sénouillac [France] : P. Biau, 1997 (p. 185).