À mon ami Victor Nadal
— Pâle travailleur, connais-tu le Jour ?…— Comme tout le monde, en naissant un jour,Je devais trouver mon coin de lumièreEt goûter aussi ma part de soleil.Mais je n’ai trouvé que l’astre Misère ;Elle m’a pâli mon beau sang vermeil.— Pâle travailleur, connais-tu la Faim ?…— Comme tout le monde, au bord du chemin,Je devais manger mon pain sur la TerreEt goûter aussi ma part de vin pur.Mais je n’ai trouvé que le vin Misère,Et l’ogre repu rogne mon pain dur.— Pâle travailleur, connais-tu l’amour ?…— Comme tout le monde, en venant au jour,Je devais aimer quelqu’un sur la ’l’erreEt goûter aussi ma part de bonheur.Mais je n’ai trouve que Jeanne Misère ;Elle m’a vide la tête et le cœur.— Pâle travailleur, connais-tu la Mort ?— Comme tout le monde, un jour, sans remord,Je devais pourrir dans mon coin de terreEt me transformer en fleurs sous le ciel.Mais je n’ai trouve que le trou Misère :Un grand lit d’hospice avec un scalpel.
23 mai 1887