À mon ami Victor Dalle
Promenant sa lanterne,Sa hotte et son crochet ;Piquant, dans là nuit terne,L’ordure et le déchet ;Le Temps erre, à pas lents,Depuis mille et mille ans.Auprès du patriarcheEt suivant tous ses pas,Le Progrès lui dit « Marche !Et ne t’arrête pas !Fouille, vieux chiffonnier,Pour remplir ton panier !Va, sans cesse ; ramasse, .Sans peur et sans dégoût,Ce que, sur terre, amasseD’objets bons pour l’égoutTa putréfaction,Civilisation !Vois ; cette pourriture.C’est la Société.Regarde, cette ordure,C’est la Propriété.Là, cette infection,C’est la Religion.Approche ta lanterne ;Ce que tu vois brillerIci, c’est la Caserne ;La-bas, c’est l’Atelier ;Ici, viande à canon ;Là-bas, viande à patron.Quel métal flambe et crie,Heurté par ton crochet ?…Vois, c’est la Monarchie…Enlève ce hochet !Prince, roi, pape ou czar,Pique, pique au hasard !À la hotte ! à la hotte !Tous, en un tour de main…Mais que vois-je, qui flotte,Là-bas, sur le chemin ?…Pour mieux voir ce lambeauAmène ton flambeau…Éclaire ; fouille, fouille I…Là, pique !… Qu’est-ce enfin ?Halte ! c’est la dépouilleD’un pauvre, mort de faim !Cette loque d’azur,C’est le drapeau futur ! »
4 mars 1887