À mon ami Edgar Bérillon
Les roisEn dépit des gens vulgaires,Sauvant la société,Armés du scalpel des guerres,Nous saignons l’humanité ;Nous suçons, pour notre gloire,Son beau sang, vermeil et chaud ;Oh ! oh ! o h ! oh !C’est à boire, à boire, à boire,C’est à boire qu’il nous faut.Les noblesNos aïeux, de rudes drilles,Volaient les filles des rois.Nous, nous quêtons, pour nos fillesL’alliance des bourgeois.Nous fûmes grands dans l’histoire,Mais le sang nous fait défaut,Oh ! oh ! o h ! oh !C’est à boire, à boire, à boire,C’est à boire qu’il nous faut.Les bourgeoisParmi toutes les espèces,À nous la part du lion !Nous entassons, dans nos caisses,Million sur million.Nous buvons, comme Grégoire,L’or, qui nous fait trôner haut :Oh ! oh ! o h ! oh !C’est à boire, à boire, à boire,C’est à boire qu’il nous faut.Les fillesPour rétablir l’équilibre,Des yeux, des ongles, des dents.Nous volons le peu qui vibreAu cœur de leurs descendants.Noirs éteignons la mémoireQui palpite en leur cerveau ;Oh ! oh ! o h ! oh !C’est à boire, à boire, à boire,C’est à boire qu’il nous faut.Les patronsAvec courage et vaillance,Peinez, sombres travailleurs ;L’arbre de notre opulenceGrandira, par vos sueurs.Les Patrons, c’est l’infusoireDans la chair du populo ;Oh ! oh ! o h ! oh !C’est à boire, à boire, à boire,C’est à boire qu’il nous faut.Les jugesAcides comme des gouges,Au Palais nous blottissant,Pâles, dans nos robes rouges,Nos robes rouges de sang,Nous abreuvons, au prétoire,La potence et l’échafaud ;Oh ! oh ! o h ! oh !C’est à boire, à boire, à boire,C’est à boire qu’il nous faut.Les hommes futursNourrice du Prolétaire,Justice ! nous t’attendons !Oui, tu viendras, sur la terre,Abreuver tes nourrissons !Pour qu’en fin, dons notre histoire,Surgisse un monde nouveau ;Oh ! oh ! o h ! oh !C’est à boire, à boire, à boire,C’est à boire qu’il nous faut.
8 février 1887