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Les

Sangsues

Jouy, Jules

mardi 18 octobre 2022, par claude

Texte de Jules Jouy (1887). Sur l’air « C’est ta poire ! » (1886), rengaine, paroles de J. Jouy et musique d’Ernest Gerny (1851-1915).

À mon ami Edgar Bérillon

Les rois
 
En dépit des gens vulgaires,
Sauvant la société,
Armés du scalpel des guerres,
Nous saignons l’humanité ;
Nous suçons, pour notre gloire,
Son beau sang, vermeil et chaud ;
Oh ! oh ! o h ! oh !
C’est à boire, à boire, à boire,
C’est à boire qu’il nous faut.
 
Les nobles
 
Nos aïeux, de rudes drilles,
Volaient les filles des rois.
Nous, nous quêtons, pour nos filles
L’alliance des bourgeois.
Nous fûmes grands dans l’histoire,
Mais le sang nous fait défaut,
Oh ! oh ! o h ! oh !
C’est à boire, à boire, à boire,
C’est à boire qu’il nous faut.
 
Les bourgeois
 
Parmi toutes les espèces,
À nous la part du lion !
Nous entassons, dans nos caisses,
Million sur million.
Nous buvons, comme Grégoire,
L’or, qui nous fait trôner haut :
Oh ! oh ! o h ! oh !
C’est à boire, à boire, à boire,
C’est à boire qu’il nous faut.
 
Les filles
 
Pour rétablir l’équilibre,
Des yeux, des ongles, des dents.
Nous volons le peu qui vibre
Au cœur de leurs descendants.
Noirs éteignons la mémoire
Qui palpite en leur cerveau ;
Oh ! oh ! o h ! oh !
C’est à boire, à boire, à boire,
C’est à boire qu’il nous faut.
 
Les patrons
 
Avec courage et vaillance,
Peinez, sombres travailleurs ;
L’arbre de notre opulence
Grandira, par vos sueurs.
Les Patrons, c’est l’infusoire
Dans la chair du populo ;
Oh ! oh ! o h ! oh !
C’est à boire, à boire, à boire,
C’est à boire qu’il nous faut.
 
Les juges
 
Acides comme des gouges,
Au Palais nous blottissant,
Pâles, dans nos robes rouges,
Nos robes rouges de sang,
Nous abreuvons, au prétoire,
La potence et l’échafaud ;
Oh ! oh ! o h ! oh !
C’est à boire, à boire, à boire,
C’est à boire qu’il nous faut.
 
Les hommes futurs
 
Nourrice du Prolétaire,
Justice ! nous t’attendons !
Oui, tu viendras, sur la terre,
Abreuver tes nourrissons !
Pour qu’en fin, dons notre histoire,
Surgisse un monde nouveau ;
Oh ! oh ! o h ! oh !
C’est à boire, à boire, à boire,
C’est à boire qu’il nous faut.

8 février 1887


Paru dans : Jouy, Jules. Les Chansons de l’année [1887] (Bourbier et Lamoureux, 1888, p. 78-81)

Il s’agit aussi du 28e titre de la série de chansons de Jouy reprises dans le le journal d’Émile Pouget, Le Père Peinard après le décès du chansonnier. Parue ici dans la (2e série, nº 104, du 16-23 octobre).