Louise, c’est l’impersonnelleImage du renoncement.Le « moi » n’existe plus en elle ;Son être est tout au dévouement.Pour ce cœur vaste et secourable,Ivre de solidarité,Le seul air qui soit respirable,C’est l’amour de l’Humanité.On la condamne : elle défieSon juge, féroce et pourri.Qu’importe, à qui se sacrifieLe poteau noir de Satory ?À ses bourreaux, près de la tombe,Elle parle fraternité.Que lui fait la mort ? Elle tombe,Pour l’amour de l’Humanité.On la déporte : Elle ne souffreQue pour ceux, près d’elle blottis :Combien doit pleurer, dans ce gouffre,Le père, éloigné des petits !Captive auguste, elle ne pense,Qu’aux frères en captivité.Leurs blessures, elle les panse,Pour l’amour de l’Humanité.On l’amnistie : elle se lèveEt revient, le front calme et doux.Grave et lente, sa voix s’élèveEt son cœur parle parmi nous.De son repos faisant litière,Bravant le pouvoir irrité,Elle se donne tout entière,Pour l’amour de l’Humanité.On l’emprisonne : Comme au bagne,Elle règne par la douceur,La proxénète est sa compagne ;La prostituée est sa sœur ;De la voleuse elle est complice ;Aux froides sœurs de charitéElle parle de la Justice,Pour l’amour de l’Humanité.Une brute, sur elle tire(Bien mieux qu’Aubertin sur Ferry)Mais, loin de poser au martyre,Elle s’arrête, puis souri :« C’est à moi ! Qu’on me l’abandonne ! »Dit-elle, « qu’il soit acquitté !Il s’est trompé ; je lui pardonne,Pour l’amour de l’Humanité. »Plus d’un la traite, en vrai Jocrisse,D’« hystérique », journellement.Crétins ! folle de sacrifice !Hystérique de dévouement !Écrivains aux longues-oreilles,Jadis, Plutarque eût souhaitéBeaucoup d’héroïnes pareilles,Pour l’honneur de l’Humanité !
26 janvier 1888