Paix et guerre

Avec du vent dans leurs gibernes,

Les soldats sortent des casernes ;

Où vont tous ces jarrets tendus,

Vers quel sommet utilitaire ?

Ils vont traîner dans la poussière

La cadence des pas perdus.

Quand leur fatigue sera grande,

Ils reviendront au pas que scande

La voix dure des galonnés.

Découvrez-vous, les fronts bornés

Que des rêves passés encrassent :

Voici des esclaves qui passent.

 

Avec du plomb dans leurs gibernes,

Les soldats sortent des casernes ;

Leur faudrait-il tant de fusils

Pour trouer la voûte du pôle ?

Ils s’en vont, l’arme sur l’épaule,

Vers des rivages indécis ;

Ils vont, stupides mercenaires,

Qui n’ont reçu pour tout salaire

Que le plomb dont ils sont chargés.

Découvrez-vous, les fronts figés

Sous les temps passés qui les glacent :

Voici des barbares qui passent.

 

Avec des fleurs à leurs gibernes,

Les soldats rentrent aux casernes.

Pourquoi tous ces cris triomphants :

Auraient-ils élargi la terre ?

Non, ce qu’ils ont troué, la mère,

C’est le ventre de tes enfants !

C’est dans l’humaine pourriture

Qu’ils ont fait germer, ô Nature,

Ces fleurs dont ils se sont armés.

Découvrez-vous, les fronts bornés

Que des rêves passés encrassent :

Voici des meurtriers qui passent !