Accueil > Chansons > Cheval du fond : romance réaliste

Le

Cheval du fond : romance réaliste

Bailliez, Ferdinand

lundi 14 novembre 2022, par claude

Texte de Ferdinand Bailliez (1903). Air connu.
1
Dans une ferme bien paisible
Vivait un cheval de charrue ;
Son labeur, quoique un peu pénible,
Gaiement il traversait la rue,
Mais les habitants de la ferme
Ayant essuyé des revers,
Vivement pour y mettre un terme
On vendit les objets divers,
Le cheval compris dans le lot
Partit hélas ! le cœur bien gros.
Acheté par un ingénieur,
Il se sentait déjà mineur :
Et comme il avait bonne mine,
On le fit descendre à la mine.
 
2
Avec un conducteur brutal,
Sous les coups et sous la menace,
Il marche le pauvre cheval,
En semblant lui demander grâce.
Mais tout à coup à sa rencontre,
Un autre train semble venir,
Il arrive et le voici contre :
Une collision va survenir.
Les deux chevaux sont renversés,
Mutilés gravement blessés,
Et sur les wagonnnets chargés
Les conducteurs endommagés
Ils semblent demander pardon
Aux malheureux chevaux du fond.
 
Refrain
Pauvre cheval !
Oh ! docile animal,
La terre est ton tombeau,
Ton horrible cachot,
Tu vas gémit,
Travailler et souffrir,
Loin des bruits de la terre,
Sous la pierre.
 
3
Pour lui cheval plus de lumière ;
Ses yeux fermés à la lumière.
Il n’aperçoit plus que l’éveil
D’une souris sous sa litière.
Adieu chère ferme de campagne !
Chers bêtes aimés de la maison.
Adieu pays ! Adieu montagne !
Et il soupire dans sa prison.
Il n’a plus sa belle toison d’or,
Car vingt fois il a vu la mort.
Et un jour sous un éboulement,
Il fut enseveli vivant
Et retiré presque mourant,
Il marche encore résolument.
 
4
Enfin, tant de services rendus
N’ont point donné de récompense ;
Haletant et ne respirant plus
Bientôt il tombe en décadence.
Il veut par un effort suprême
Se soutenir, marcher toujours.
Mais sa faiblesse étant extrême,
On va le remonter au jour.
Adieu ! cette horrible prison.
In ne descendra plus au fond ;
Acheté par un maquignon,
Voici venir son dernier guignon,
Pour la vie, pour lui plus d’espoir,
Il fut tué à l’abattoir.
 
Refrain
Pauvre cheval !
Victime du capital,
L’abattoir te réclame,
Non pour ton âme,
Ta récompense
Sera la potence,
Sans aucune couronne
De personne.

Paru dans Le Réveil syndical (Lens & Hénin-Liétard), nº 17 (1903, 16 aout).