Accouchement royal

1

Au pays des hidalgos

S’il faut en croire la presse

De Carthagène à Burgos

Tout le monde est dans l’allégresse :

La reine d’Espagn’, mesdam’s, pensez donc

Vient de mettre au monde un petit lardon,

Alphonse est de joie dev’nu presque fou,

Le clergé jubile et le peuple itou,

Si c’qu’on dit du peuple est la vérité

Faut vraiment peu d’chos’ pour le contenter.

 

2

Je n’dis pas ça pour blaguer

Mais quand un’ rein’ devient mère,

Vous avez pu l’remarquer,

C’est pas qu’ un’ petite affaire ;

Ainsi pour cell’ là, on avait dit-on

Allumé des cierg’s dans tout’ la maison,

On exposa mêm’ le Saint Sacrement

Pendant tout le temps qu’dura l’accouchement

C’est un rôl’, bien sûr, auquel Jésus Christ

N’avait pas songé quand il était p’tit.

 

3

Le truc le plus rigolo

C’est qu’aussitôt sa naissance,

On mit l’môm’ sur un plateau

Puis, à toute l’assistance,

Alphons’ radieux, lui mêm’ le montra,

Lors, un grand d’Espagn’ qui se trouvait là

Découvrit l’moutard sans plus de façon

Pour voir si vraiment c’était un garçon,

« Ah ! s’écria-t-il, pour sûr, c’en est un,

Il a mêm’ déjà l’sceptre dans sa main. »

 

4

Mais c’qui surtout fait causer

Et tourner plus d’une tête,

C’est le superbe exposé

Qu’on a fait de la layette ;

Langes ou bavett’s, on a mis partout

Les armes d’Espagn’, c’est joli comm’ tout,

Si j’étais qu’Alphons’, j’s’rais pas rassuré,

Car un accident est vite arrivé :

Les armes d’Espagn’ pourraient bien en r’tour

Changer de couleurs plusieurs fois par jour.

 

5

Selon l’désir de Sarto

Tout puissant dans ce royaume,

On s’fit un d’voir aussitôt

De faire baptiser l’môme ;

Si comm’ pour les goss’s de notr’ grand tribun,

On n’a pas fait v’nir de l’eau du Jourdain,

On lui a collé des tas d’distinctions

Dont l’rapport global est d’plusieurs millions

Tout cela coût’ cher, mais Alphons’ s’en fout

Les poir’s espagnol’s sont là pour un coup.