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Chanson d’hiver

Bizeau, Eugène

dimanche 8 janvier 2023, par claude

Texte d’Eugène Bizeau (1911). Musique d’Auguste Fay.
1
Quand la neige tend, tel un blanc linceul,
Son tapis ouaté sur toute la terre ;
Quand, désemparé, le poète seul,
De nouveau gémit et se désespère ;
Quand le ciel revêt, pour deux ou trois mois,
Sa robe de gris teinté d’améthyste ;
Quand l’autan cruel dépouille les bois,
La nature est triste !
 
2
Quand le sol gercé par le vent du nord,
Devient dur et froid comme un bloc de marbre ;
Quand, accomplissant son œuvre de mort,
Le gel casse en deux les branches de l’arbre ;
Quand des verts buissons et des prés en fleurs,
Le souvenir seul en nos cœurs subsiste :
Quand-les yeux du temps n’ont plus que des pleurs
La nature est triste !
 
3
Quand au seuil glacé du pauvre artisan
Le pierrot mourant va crier famine ;
Quand le « Dia, hu, hau » du bon paysan
S’éteint dans la plaine et sur la colline ;
Quand tout agonise, et quand l’être humain
Pour boire et manger seulement existe ;
Quand le sans-travail va tendre la main,
La nature est triste !
 
4
Quand Progné déserte, une fois encor,
Son vieux nid pétri d’amour et d’argile ;
Quand on n’entend plus la chanson du cor
Des joyeux sylvains profaner l’asile ;
Quand aux floraisons du givre moqueur
La rose flétrie, impuissante, assiste ;
Quand l’hiver enfin paraît en vainqueur
La nature est triste !

Paru dans : Bizeau, Eugène. — Les Chansons qui passent… / mus. Auguste Fay. — Paris : La Muse rouge, 1911. — 8 p.