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Ode au drapeau

Delon, Robert

mardi 10 janvier 2023, par claude

Texte de Robert Delon (≤1906).

Aux jeunes conscrits

Drapeau, symbole de haine,
Pour qui les gueux vont au trépas ;
Par amour de la race humaine,
Drapeau, je ne te connais pas.
 
Je veux ignorer le prestige
Qu’un peuple de fous t’a donné ;
Pour moi, ta loque est un vestige…
Ton nom n’est qu’un mot suranné…
 
Par les jours obscurs de batailles
Claque, frisonne éperdument ;
Que m’importe que tu tressailles ;
Je ne puis être ton amant.
 
Sur les remparts des citadelles
Flotte et vibre, ô Torchon divin ;
Réjouis l’œil de tes fidèles
Qui se prosternent tous en vain.
 
Ta gloire n’est qu’un triste leurre ;
Après ton passage, Drapeau,
L’humanité s’indigne et pleure ;
Pourtant tu n’es qu’un oripeau.
 
Au son des joyeuses fanfares,
Plane au-dessus des combattants ;
Enfin transforme en solfatares
Les prés qu’a fleuris le printemps ;
 
Par les fugitifs soirs de fête,
Drapeau, fais palpiter les seins
De ceux dont la sinistre tête
Est pleine de cruels desseins ;
 
Fait rêver la petite reine,
Le vieux grognard ou le héros ;
Qu’ils chantent la Paix souveraine
À la face des généraux ;
 
Tu n’en seras pas moins sur terre
L’ignoble étendard plein de sang
Dont l’odeur par trop délétère
Chasse l’humble et jeune passant.
 
Qu’on te laisse choir dans la boue
Ou qu’on te hisse vers le ciel,
Sombre emblème, je te bafoue
Et crache vers toi tout mon fiel…

Paru aussi in : L’Anarchie (1905-1914), nº 72 (27 sept. 1906)

Paru aussi in : La Cravache. — Reims : 1912-1913. — Nº 15 (22 mars 1913).

Paru dans Le Combat (1912-1914), année 2, nº 13 (29 mars 1913).