Aux jeunes conscrits
Drapeau, symbole de haine,Pour qui les gueux vont au trépas ;Par amour de la race humaine,Drapeau, je ne te connais pas.Je veux ignorer le prestigeQu’un peuple de fous t’a donné ;Pour moi, ta loque est un vestige…Ton nom n’est qu’un mot suranné…Par les jours obscurs de bataillesClaque, frisonne éperdument ;Que m’importe que tu tressailles ;Je ne puis être ton amant.Sur les remparts des citadellesFlotte et vibre, ô Torchon divin ;Réjouis l’œil de tes fidèlesQui se prosternent tous en vain.Ta gloire n’est qu’un triste leurre ;Après ton passage, Drapeau,L’humanité s’indigne et pleure ;Pourtant tu n’es qu’un oripeau.Au son des joyeuses fanfares,Plane au-dessus des combattants ;Enfin transforme en solfataresLes prés qu’a fleuris le printemps ;Par les fugitifs soirs de fête,Drapeau, fais palpiter les seinsDe ceux dont la sinistre têteEst pleine de cruels desseins ;Fait rêver la petite reine,Le vieux grognard ou le héros ;Qu’ils chantent la Paix souveraineÀ la face des généraux ;Tu n’en seras pas moins sur terreL’ignoble étendard plein de sangDont l’odeur par trop délétèreChasse l’humble et jeune passant.Qu’on te laisse choir dans la boueOu qu’on te hisse vers le ciel,Sombre emblème, je te bafoueEt crache vers toi tout mon fiel…