Aux patriotes
La Patrie est une marâtreAu regard sombre, aux gestes fous ;Mais devant son beau corps d’albâtreCombien d’hommes sont à genoux ?Gardiens de sa gloire surfaite,Tels de pauvres illuminés,Ils aiment, aux jours de défaite,La fleurir de bouquets fanés.Ils lui remémorent ses guerresAvec un lyrisme troublant.Et pour exciter les vulgairesChacun brode un couplet sanglant.— Ah ! tristes esprits que vous êtes !Jeunes gens trois fois insensésLe son des fifres, des musettesVaut bien le râle des blessés.Le rire clair des jeunes filles,Ou quelque harmonieux accord,Vaut bien le bruit sec des faucillesQue vous tenez, semeurs de mort…Choyez beaucoup votre Patrie,Ô généreux fils de rhéteurs,Avec respect, idolâtrie,Comme font les maîtres-chanteurs.Pour Elle massacrez vos frèresDont le crime est d’être innocents,De vivre, assoiffés de chimères,Sous le joug légal des puissants.Si vous avez peur de la bonté,Sur vos yeux, baissez vos képis ;Héros martyrs, la sève monte :Il faut moissonner les épis…Qu’importe les pleurs, la souffranceDe ceux que vous égorgerez ;Ne sait-on pas que pour la FranceTous ces meurtres-là sont sacrés.Allons, les sincères, les bravesQue l’orgueil a rendu jaloux,En chantant, forgez vos entraves :La Patrie a besoin de vous.