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Pro Patria : semper omnes

Delon, Robert

mardi 10 janvier 2023, par claude

Texte de Robert Delon (≤1906). Air patriotique.

Aux patriotes

La Patrie est une marâtre
Au regard sombre, aux gestes fous ;
Mais devant son beau corps d’albâtre
Combien d’hommes sont à genoux ?
 
Gardiens de sa gloire surfaite,
Tels de pauvres illuminés,
Ils aiment, aux jours de défaite,
La fleurir de bouquets fanés.
 
Ils lui remémorent ses guerres
Avec un lyrisme troublant.
Et pour exciter les vulgaires
Chacun brode un couplet sanglant.
 
— Ah ! tristes esprits que vous êtes !
Jeunes gens trois fois insensés
Le son des fifres, des musettes
Vaut bien le râle des blessés.
 
Le rire clair des jeunes filles,
Ou quelque harmonieux accord,
Vaut bien le bruit sec des faucilles
Que vous tenez, semeurs de mort…
 
Choyez beaucoup votre Patrie,
Ô généreux fils de rhéteurs,
Avec respect, idolâtrie,
Comme font les maîtres-chanteurs.
 
Pour Elle massacrez vos frères
Dont le crime est d’être innocents,
De vivre, assoiffés de chimères,
Sous le joug légal des puissants.
 
Si vous avez peur de la bonté,
Sur vos yeux, baissez vos képis ;
Héros martyrs, la sève monte :
Il faut moissonner les épis…
 
Qu’importe les pleurs, la souffrance
De ceux que vous égorgerez ;
Ne sait-on pas que pour la France
Tous ces meurtres-là sont sacrés.
 
Allons, les sincères, les braves
Que l’orgueil a rendu jaloux,
En chantant, forgez vos entraves :
La Patrie a besoin de vous.

Paru aussi in : L’Anarchie (1905-1914), nº 66 (12 juillet 1906)