À la fin d’un banquet fort long où l’on avait bu comme quatreSébastien Faure et M’sieur Drumont se disputaient prêts à se battre.C’était à propos d’un petit, tout petit fromage à la crèmeIl était si frais, si gentil qu’chacun voulait l’manger lui-même.Mais Drumont s’écria soudain, pour que la discussion s’achève« L’fromage sera demain matin a c’lui qu’aura fait l’plus beau rêve. »Ils se couchèrent mais dans la nuit Sébastien trouva bien plus sageDe se lever seul et sans bruit pour aller boulotter l’fromage.Le lendemain quand l’père Drumont s’éveilla dès la première heureIl secoua son compagnon, qui ronflait comme un sénateur.Puis il dit d’un air important : « Mon cher tu as perdu d’avanceJe viens d’fair’ un rêve épatant ; écoute-moi ça, je commence.J’dormais quand j’vis l’ciel s’entrouvrir et le Bon Dieu parmi ses angesMe faisant signe de venir afin de chanter ses louanges.Sur un gros nuage de feu, deux aigles royaux magnifiquesM’emportèrent vers le ciel bleu au son d’une douce musique. »« Ça, par exemple, c’est épatant, dit Sébastien d’une voix brève,Précisément à cet instant je commençais aussi mon rêve.Mais lorsque je t’ai vu partir vers le ciel bleu sur un nuageJ’ai cru qu’tu n’allais plus rev’nir… Alors moi… j’ai mangé l’fromage ! »
À la suit’ d’un fameux gueul’ton,Après avoir bouffé comme quatre,Sébastien Faure et l’vieux DrumontSe disputaient, prêts à se battreC’était à propos d’un petit,Tout petit fromage à la crème ;Il était si frais, si gentilQu’chacun voulait l’bouffer soi-même.L’père Drumont s’écria soudainPour que la discussion s’achève :« Le fromag’ sera d’main matinÀ c’lui qu’aura fait l’plus beau rêve. »Ils se couchèr’nt, mais dans la nuit,Sébastien trouva bien plus sageDe se lever seul et sans bruit,Puis d’aller boulotter l’fromage.Le lend’main, quand le pèr’ DrumontS’éveilla, dès la première heure,Il secoua son compagnonQui dormait comme un sénateu-re ;Puis il dit d’un air important« Mon cher, tu as perdu d’avance,Je viens d’faire un rêve épatant,Écoute-moi ça, je commence« J’dormais, quand j’vis l’ciel s’entrouvrirEt le bon Dieu, parmi ses anges,Me faisant signe de venir.Afin de chanter ses louanges ;Sur un gros nuage de feu,Deux aigles royaux magnifiquesM’emportèrent vers le ciel bleu,Au son d’une douce musique. »— « Ça, par exempl’, c’est épatant, —Fit Sébastien d’une voix brève, —Précisément, à cet instant,Je commençais aussi mon rêve ;Mais lorsque je t’ai vu partirVers le ciel bleu, sur un nuage,J’ai cru qu’tu n’allais plus r’venir,Alors, moi, j’ai bouffé l’fromage ! »
Chanson « Le Rêve de Drumont » de Victor Tourtal