À mon ami Jean Floux
Tout au fond du grand cimetière,Défunts par les vers dépouillés,Sous les herbes, verte litière,Dorment les anciens fusillés.Cachant les trous de la mitraille,Couronnes et drapeaux, serrés,Ornent la sinistre muraille,Dernier abri des fédérés.Tombe sans croix et sans chapelle,Sans lys d’or, sans vitraux d’azur,Quand le peuple en parle, il l’appelleLe mur.C’est là que, traquant leurs victimes,Lignards, cavaliers, artilleurs,Prirent ces combattants sublimesDans le terrier des fusilleurs ;Là, qu’au son du clairon tragique,Sonnant l’hallali dans le bois,Malgré sa défense héroïqueVint tomber la bête aux abois.Quand Paris ferme ses paupières,Chaque nuit5 dans l’enclos obscur,Des râles s’échappent des pierresDu mur.Assassins, l’avenir vous navre !La révolte va reverdirSur ce sol, de chaque cadavreJaillit l’herbe du souvenir.Fleuron railleur de sa couronneGavroche, futur fusillé,Y trace le mot de Cambronne,Que plus tard il viendra crier :Bourgeois, quand le blé des revanches,Au cimetière sera mûrOn fauchera vos faces blanchesAu mur !
4 novembre 1887