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Dodo, bernique !

Reybar, Noël

mercredi 11 janvier 2023, par claude

Texte (et musique ?) de Noël Raybar (1905 ?).
Dodo, bernique !
Sainte politique,
Endors bien tes petits enfants
Jusqu’à l’âge de soixante ans ;
Quand ils ne pourront plus trimer,
Vite il faudra les supprimer !
Dodo, bernique !
 
1
Oui, de la retraite, enfin voici l’heure !
Sur notre pain sec on mettra du beurre !
Les vieux travailleurs, entourés d’amour,
Vont être rentiers à cinq jours par jour !
Dodo !
 
2
Ajoutons à ce chiffre fantastique
Dont l’emploi rêvé donne la colique,
Les riches cadeaux dont nos dirigeants
Veulent accabler tous les pauvres gens
Dodo !
 
3
Les maçons fourbus, les tailleurs de pierre
Auront leur dalle au fond du cimetière.
Peintres, couvreurs, fumistes, plâtriers,
Mangeront gratis chez les briquetiers.
Dodo !
 
4
Les batteurs de fer tués par la forge
Pour leur toux auront du bon sucre d’orge.
Les mécaniciens aussi les chauffeurs,
Pourront voyager en vrais trimardeurs.
Dodo !
 
5
L’ouvrier du bois, pour sa grande peine,
Jouira d’une lourde bière en chêne.
Aux ajusteurs d’art, aux fins serruriers
On réservera postes de geôliers !
Dodo !
 
6
Et les corroyeurs, vivant de famine,
Mourront en linceul fait de peau très fine.
Les cordonniers dont l’haleine est à bout
De vieux cuirs feront d’excellent ragoût.
Dodo !
 
7
Les mineurs vannés comme grains de bouillie
Autour de la fosse feront patrouille.
Quant aux gas hardis qui vont sur les eaux,
On leur montera d’immenses bateaux.
Dodo !
 
8
Les tailleurs ayant gardé de beaux restes
Sauront y trouver de très amples vestes.
Les verriers pourront à l’aise souffler
Et les tisserands n’auront qu’à filer.
Dodo !
 
9
Les employés qui deviennent des hommes
Auront un membre au conseil des prud’hommes.
La pauvre ouvrière, aux yeux consumés,
Recevra binocle à verres fumés !
Dodo !
 
10
L’ouvrier courbé sur la terre dure,
Enfant trop gâté de mère nature,
Quand de ses bras las tombera l’outil,
À Paris viendra semer du persil.
Dodo !
 
11
Ainsi tous auront large récompense
De n’avoir jamais pu s’emplir la panse.
Médailles de bronze et savants discours
Leur feront trouver les vieux jours très courts.
Dodo !
 
12
Mais les fainéants de tout ministère
Vivront grassement jusqu’à mise en terre.
Cependant que les travailleurs
Attendront, sous l’orme, des jours meilleurs !
Dodo !
 
Dodo, bernique !
Sainte politique,
Endors bien tes petits enfants
Jusqu’à l’âge de soixante ans ;
Quand ils ne pourront plus trimer
Vite faudra les supprimer !
Dodo, bernique !

Le débat sur les retraites ouvrières en 1905 en France, pour un premier aboutissement en 1911.


Paru aussi in : L’Anarchie (1905-1914), nº 11 (22 juin 1905) : « L’auteur tient la musique à la disposition des camarades au prix de 0,25. »