La Veuve, auprès d’une prison,Dans un hangar sombre demeure.Elle ne sort de sa maisonQue lorsqu’il faut qu’un bandit meure.Dans sa voiture de galaQu’accompagne la populaceElle se rend, non loin de là,Et, triste, descend sur la place.Avec des airs d’enterrement,Qu’il gèle, qu’il vente ou qu’il pleuve,Elle s’habille lentement,La Veuve.Les témoins, le prêtre et la loiVoyez, tout est prêt pour la noce ;Chaque objet trouve son emploi :Ce fourgon noir, c’est le carrosse.Tous les accessoires y sont :Les deux chevaux pour le voyageEt le grand panier plein de son :La corbeille de mariage.Alors, tendant ses longs bras roux,Bichonnée, ayant fait peau neuve,Elle attend son nouvel époux,La Veuve.Voici venir le prétenduSous le porche de la Roquette2.Appelant le mâle attendu,La Veuve, à lui s’offre, coquette.Tandis que la foule, autour d’eux,Regarde frissonnante et pâle,Dans un accouplement hideux,L’homme cracher son dernier râle.Car les amants, claquant du bec,Tués dès la première épreuve,Ne couchent qu’une fois avecLa Veuve.Tranquille, sous l’œil du badaud,Comme, en son boudoir, une fille3,La Veuve se lave à grande eau,Se dévêt et se démaquille.Impassible, au milieu des cris,Elle retourne dans son bouge,De ses innombrables marisElle porte le deuil en rouge.Dans sa voiture se hissant,Goule horrible que l’homme abreuve4,Elle rentre cuver son sang,La Veuve.
La
Veuve
Jouy, Jules
samedi 14 janvier 2023, par
Texte de Jules Jouy (1887). Puis musique par Pierre Larrieu (1924)
La Veuve : surnom de la guillotine.
Poème Paru aussi in : Le Libertaire : supplément hebdomadaire illustré du “Journal du peuple”, 3e série, nº 5 (5e année, 3-9 décembre 1899).
Paru aussi in : Chansonnier de la révolution. — Genève : Le Réveil socialiste-anarchiste, 1902 (p. 28-29).
Paru aussi in : L’Anarchie (1905-1914), nº 197 (14 janvier 1909)
<:paru_aussi :> Jules Jouy, 1855-1897 : le "poète chourineur" / éd. Patrick Biau. — Sénouillac [France] : P. Biau, 1997 (p. 278).
<disco|titre=1836|date=2000>