1. EsclavageVous avez labouré dans l’horrible et le crime.L’homme fut votre champ, des couteaux, vos charrues.Vos bourses comme vos panses ne sont ventruesQue du vol des oiseaux et du sang des victimes.La Force, ivre, barbare, aveugle en la victoire,De son glaive a forgé la Loi, dicté le droit.La Justice a parlé par sa bouche et la Gloire…À es rois, à ces dieux l’homme obéit et croit.Œuvres de mort, œuvres d’erreur, œuvres de haine,Vous pesez en baillons sur toute vue humaine,Vous étouffez l’enfant avant qu’il ait vécu.Vous régnez au milieu des douleurs et des ruines.Toute fleur est flétrie à votre ombre assassine.Mais l’idéal en nous rêvé reste invaincu.2. RévolutionLes grappes sont enfin mûres, les corps pourris,Vendangeurs et corbeaux, activez la besogne.La cuve attend son vin, l’abîme sa charogne.De la cendre des morts les vivants sont nourris.Monde ignoble, tu meurs. Il est temps que tu crèves.Le fossoyeur est prêt et creusé ton tombeauOù tu disparaîtras, toi qui souillas le Beau,Toi qui crachas sur les étoiles de nos rêvesTon corps sera la proie des vers et de l’oubli.Tout ton œuvre s’engloutira dans les néants.Mais l’idéal conçu par nos cœurs mécréants,Mais l’astre de nos fois, par ta bave ennobli,Loin de ta force, hors de ton joug odieux,Monte, soleil nouveau, qu’attirent d’autres cieux.3. AvenirJustice est faite. Les vieux mondes vermouluesOnt croulé sous le choc des neuves énergies.Les temples, les prisons et les palais d’orgiesAvec leur honte et leur pouvoir sont dissolus.Des aubes ont chassé les âges révolus.De vitales rumeurs en l’ait par sont vagies.L’humanité de ses poitrines élargiesChante l’espoir certain des paradis de pureté.Nul n’est esclave. Nul n’est maître. La Nature,Maternelle, domptée, à tous s’offre en pâture.Tous les cœurs sont des lys emplis de puretéVers le Bien, vers le Vrai, les cerveaux en gésineS’efforcent. La Terre est l’harmonieuse usine,Où vivent le Travail, l’Amour et la Beauté.
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Aux maîtres
Théodore, Jean
jeudi 9 février 2023, par
Texte (triptyque de sonnets) de Théodore Jean (≤1895).
Paru aussi in : Le Libertaire (1895-1899), nº 1 (16-22 novembre 1895).