Passé, présent qui va finir,Secrets d’antan et d’avenir,Qui peut prévoir, qui peut connaîtreCe qui meurt ou ce qui va naîtreDans le chaos du genre humain ?Terme incertain, sombre début,Qui sait l’origine et le but ?Et, sur la route, qui nous mène,Est-ce l’amour, ou bien la haine,Le désespoir sans lendemain ?Dans l’ouragan des temps passésles faux dieux, les sceptres brisésOnt croulé, débris sans prestige,Et sous sa croix, pris de vertige,Jésus tombé dort pour toujours…Et tandis que tous les penseursLes grands savants et les raseursTracent des plans vains sur le nue,Le Globe, en roulant, continueD’égrener les nuits et les jours.Terre enfin, Terre, diras-tuLe secret que ton sein têtuN’a jamais montré pour personne ?Écoute, moi je te soupçonne,Terre, je vois la vérité !…N’es-tu pas l’œuf où nous germons,Fils d’inconnus, dieux ou démons,Terre n’es-tu pas la matriceOù la Puissance créatriceMit le fœtus Humanité ?La terre est un rut : cependantQue le soleil, son mâle ardentLui sourit, dans un bond immenseToute, elle s’ouvre à la semence,Au sperme chaud de ses rayons !Mais voilà que sous les cieux clairsEt blancs de la blancheur des chairs,Dans sa transparente enveloppe,L’Être Humain croit, se développeSelon la loi des embryons,Travail douloureux, incessant !…Œuvre de larmes et de sang.L’Humanité, pourtant s’ébaucheParmi la bave et la débaucheDes rois, des pouvoirs, des autels…Demain, dans un suprême effort,L’Être conscient pur et fort,Brisant sa vieille carapaceS’en ira, libre par l’espaceVivre des bonheurs immortels !…
8 février 1896