Parait qu’y doit a r’venir, le Tzar.Non, mais des fois… y faudrait l’direSi qui s’plaît pas dans son Empire,Y pourrait t’nir un p’tit bazar,Son peupe, y l’en f’rait eun’ tir-lire !Ben, si qu’y r’pique au balthazar,Gn’a pas d’erreur, on va rerire.Ça n’était pas encore assezDe grapeaux, de cérémogniesDe défilés par compagniesEt d’un chahut des cinq cents diablesEt des gueul’tons substantiels,Et d’la galette des contribuablesIlluminant la tour Eiffel.(Ça n’était pas encore assezLes z’horreurs a vont r’commencer !)Quoi ? nous r’verrons, c’est pas eun’ colleMontjarret, f’sant [l’saut] d’la Haute ÉcoleQui pétarade et caracoleDessus son canasson fougueux.C’est vrai, on va r’voir l’ProtocoleGaffer en s’arrachant les chueux ?[Et puis les Cosaqu’s de la suiteQui sont Polonais pour la cuiteS’offrir un dessert clandestinAvec les bougies du festin ?]Et on r’verra l’ Préfet de policeEmpli de tristesse et d’horreurÀ la pensée qu’un nihilisseOu quéqu’un d’ces salauds en issePourrait ben s’offrir el’ l’capriceD’agrandir l’trou d’bombe d’un Emp’reur !Et dans Paris gorgé d’troupiersOù faut ben que j’mèn’ ma vadrouilleGn’aura ben vingt meillons d’petsouillesQui viendront m’piler les doigts d’pieds !Et on r’fra rendr’ par des soldatsLes grands z’honneurs aux p’tits cacasD’la p’tit’ Grand’ Duchesse Olga !Et quand le Tsar pas’ra tepêtFélix Faure instruit d’la chosetteS’enfil’ra aux wouater-clozettesOù pour pas troubler l’harmonieY rest’ra à s’fair’ la causetteJusqu’à c’que l’Emp’reur ait fini ! [Jusqu’à c’que le Tzar ait fini !]De quoi, on va r’voir la Justice,Les Colonies et l’IntérieurL’Armée, l’Clergé, l’Académie,Le Théâtre, la PoyésieY compris les Travaux PublicsEn un mot tout’ la République,Sucer les doigts d’l’Impératrice,Ou s’user nombril su l’pavé ?Spectacle admirabl’ pour l’HistoireEt qui doit « flatter notre espoir »On r’verra ça n’est pas douteuxFélix Faure et Nicolas DeuxSe retéter encor’ la poireEt r’bouffer avec appétit ?S’en sont-y collé des voituresTandis qu’mes s’mell’s à forc’ d’usureSe trottaient et m’laissaient en planS’en sont-y foutu des bituresD’ess’traordinaires nourrituresPendant qu’Bibi s’grattait les flancs !Gn’avait qu’des gibiers, des ventrées !D’la bonn’ vinass’, pas d’la bibineOh ! bon guieu d’bois la bonn’ cuisineQu’aurait mieux fait dans ma cassineEt les canapés d’bécassinesOu )’aurais ben aimé m’vautrer.Enfin après l’apothéoseRelisons un peu leurs discoursQui s’ils z’avaient l’mérit’ d’ét’ courtsSignifiaient pas toujours grand’ chose— Je bois — Tu bois — À toi — Z’a moiL’Armé’ française et la MarineVous salu’nt ainsi qu’ la Tzarine(Allons tant mieux — Vas-y mon vieux)L’Emp’reur des Russ’s et la TzarineSalu’nt l’Armée et la Marine !(Pis c’était tout ou ben encor)(On s’ proposait des chos’s comm’ suit)— J’vous donn’ la Lune a n’peut s’défendre— Vous êt’s ben bon… j’allais la prendre— Ça n’fait rien si j’peux vous aider !Et on appell’ ça… eune Alliance !C’est vraiment un peu trop d’prudenceMais tout l’monde va gueulant en chœur :— « Ah ! qu’il a ben causé l’Emp’reur ! »[Tous ces chichis et tout’ c’te joieÇa fait penser à ces borgeoisQui r’çoiv’nt un rasta à la manqueEt lui pass’nt le pèze et la planquePass’ qu’il s’dit prince et monseigneur ;Puis quand le mec s’est cavalléL’gésier gonflé de boustifaille,][Dans la famille on s’ fait une gueule,On se r’luque et on s’aperçoitQu’la fill’ qu’était p’tête encor vierge,La mèr’, la sœur, la tant’ du père,La grand’mère et la bisaïeuleEt l’p’tit dernier d’la conciergeBref tout l’mond’ se r’trouve enfilé,Et les pus jeun’s, d’au moins dix sous.]Eh ben moi j’veux qu’Satan m’patafio !eSi dans ces discours empruntésGn’a un mot qu’a l’air d’un traitéAussi j’crois ben qu’on s’fout d’ma fioleMais j’me raisonn’, car tôt ou tardPopulo il aura la belleD’jà Jaurès veut fair’ du pétard,On verra comment qu’y s’appelle !En attendant je l’dis tout hautEh ben mo’ à m’courr’ la RussieV’là trop longtemps qu’l’Alliance a m’scieA n’aura pas mes capitaux’ :Elle et pis ses meillons d’soldatsSes douan’s et leurs futur’s recettesJ’nai vraiment d’russ’ que mes chaussettesEt encor vrai dans quel état !Ça rendra-t’y l’Alsac’-Lorraine ?« Ces trois couleurs dans cet ébène ? »Ah pour ça non, j’crois qu’y a pas d’pet.Ben alorss, faut’y s’mettre en peine ?Moi, j’am’rais mieux qu’on m’fout’ la paixOu à son défaut l’Canada,(Car moi aussi j’ai mon dada).Vous comprenez, moi, j’suis dans l’tas ;Ces gueul’tons, ces fêt’s, ces galas,Ousque les gros s’sont cuités fermeDam ! ça n’a pas payé mon terme,V’là l’Hiver… on m’a esspulséV’là l’Hiver… et on peut penserQu’y gn’en a des flott’s dans mon cas.Et maint’nant que m’ v’là quasi nu,Sans brich’ton, sans espoir d’probloqueAvec el l’taf d’ét’ m’s au blocPass’ que j’n’dors pus qu’dans mes loques,J’ai l’droit d’engueuler mon ÉpoqueDu crottoir ousqu’on m’a foutu !Voui, j’ai l’ droit d’ la trouver saumâtreEt si je n’ l’ai pas… ben, je l’prends.Après tout, moi j’suis du Théâtre,J’suis aussi un rouage influent.Et j’l’gueul’, dût-il m’en cuire,Que j’m’en fous, quand j’ai rien dans l’bide,Des grapeaux, des cellunoïdesEt de nos p’tits tzars, les ronds-d’cuirsQu’existent autant qu’des androïdesEt qui n’ont jamais pu produireAut’ chos’ que des z’hémorroïdes ! 1Si j’l’avais seul’ment vu, le Tzar,Hein ! si qu’il était v’nu me voir !J’crois qu’j’y aurais montré l’escaïerAvec la pointe ed’ mon souierJ’y aurais fait d’la phizolofieEt j’y aurais crié d’ mon sixième :Tu fais ta poire et ta sophie,Passque t’es quasi un d’mi-Guieu !Si seul’ment tu cherchais un peu ;Mais tu t’ballad’s, tu tir’s ta flemme.Ben mon p’tit Pèr’ (ça c’est très russe)T’en as, d’l’estomac et d’l’astuce !Moi, dans mon genre aussi, j’suis Tzar :L’Emp’reur des Beni-Bouffe-Hasard.Mais j’règn’ que su’ mes z’abattis,Et toi sur des tas d’abrutis !Allons ! caval’ de d’sous mon toitEt quand tu s’ras rentré chez toi,Ayant la Force, ayant le glaive,Va-t’en trouver le grand TolstoïEt tâche d’appliquer ses Rêves !…
Épilogue
Rictus, Jehan
mardi 14 février 2023, par
Texte de Jehan Rictus (1894-1895).
Tiré de Les Soliloques du Pauvre (premier soliloque).
Quelques nuances selon les éditions.
Paru aussi in : Le Libertaire (1895-1899), nº 52 (6-12 novembre 1896) et nº 53 (13-19 novembre 1896) avec la mention : « Extrait des Soliloques du Pauvre ; un volume en préparation. ».