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Épithalame

Kleyman, Gaston

mardi 14 février 2023, par claude

Texte de Gaston Kleyman (1896).
Vous qui pleurez en des mansardes,
Vous dont les lamentables hardes,
Dont les pauvres mines hagardes
 
Semblent suspectes à la gent
Bourgeoise qui trouve outrageant
Qu’on ne puisse, avec de l’argent,
 
Vous chasser même de la rue,
Où votre misère apparue
Devant la foule qui se rue
 
À la conquête du Veau d’Or
Inspire peut-être un remord ;
Vous qui n’espérez qu’en la Mort,
 
Femmes que la vie a meurtries,
Victimes lâchement flétries,
Et dont les mamelles taries
 
Au lieu de bon lait nourrissant
Ne versent plus qu’un peu de sang
À vos chers petits blêmissant ;
 
Femmes de douleur, lents martyres,
Pâture de tous les vampires.
Bouches ignorantes des rires ;
 
Vous qui tombez sur le chemin,
Qu’épuise un labeur surhumain.
Femmes dont on vole le pain,
 
Et dont on vole les caresses.
Car la ressource, en vos détresses,
C’est de devenir les maîtresses
 
De vos sinistres affameurs ;
Femmes, étouffez vos clameurs
Blasphémautes ! Que des rumeurs
 
Joyeuses, que des chansons folles
Naissent sur les roses corolles
De vos lèvres, que des paroles
 
D’amour, douces comme un parfum.
Après les jours où l’on eut faim,
Proclament le bonheur sans fin !
 
Femmes qui maudissiez la vie,
— Toute ivresse vous fut ravie —
Soyez l’espoir : je vous convie
 
À l’Insouciance aujourd’hui !
Rothschild, le Soleil d’Or qui luit,
Lee Roi, le Seul Maitre, enfin, LUI,
 
Rothschild vient de marier sa fille !
Toute la gaîté qui scintille,
L’ineffable splendeur qui brille
 
Autour de cet hymen vainqueur
Doit vous mettre liesse au cœur,
Doit apaiser votre rancœur !
 
C’est la Banque et c’est la Noblesse :
Juifs,chrétiens— tous ceux qu’on engraisse,
Tous ceux qui vous mènent en laisse !
 
Que de bijoux étincelants,
Dont les feux tremblent, ruisselants,
Pourpres, verts, violets et blancs !
 
Mais toutes ces superbes pierres,
Telles des larmes de lumières,
Ce sont les pleurs de vos paupières !
 
Ô Femmes, l’une d’entre vous
A plus versé de pleurs que tous
Ces gens n’étalent de bijoux !
 
Ces rubis de pourpres vermeilles,
A des gouttes de sang pareilles,
Ces rubis parant leurs oreilles
 
Sont les pleurs qu’ils ont retirés
De vos pauvres cœurs ulcérés.
Comme une éponge pressurés.
 
Leur bonheur fait de mille charmes
Prend sa source dans vos alarmes :
C’est votre sang et c’est vos larmes.
 

 
Prenez garde, riches moqueurs,
Car la révolte, dans les cœurs,
Fait vibrer ses hymnes vainqueurs.
 
Et par les vengeances augustes
Des Spoliés aux bras robustes
Surgira le monde des Justes !

L’épithalame (en grec ancien ἐπιθαλάμιον / epithalámion) est une sorte de poème lyrique composé chez les Anciens à l’occasion d’un mariage et à la louange des nouveaux époux. En Grèce antique, il était chanté par un chœur avec accompagnement de danses. (Wikipédia : vu le 14 février 2023)


Paru aussi in : Le Libertaire (1895-1899), nº 29 (30 mai-5 juin 1896).