soyez d esprit sec ou sensible.Fermé de cœur ou généreux,Il n’est pas de bonheur possibleEn un monde de malheureux.Oui certes il nous faut songer â notre ventre ;L’homme le plus humain doit d’abord le nourrir.Je suis un dévorant bien avant d’être un chantre,Mais vivre sans aimer ah ! j’aime autant mourir.Il faut nourrir le cœur. Que notre être, lui-même.Nous donne isolément quelques impressions,On ne vit qu’en Autrui ; quand ardemment on l’aimeOn éprouve les plus hautes sensations.Autrui, toujours Autrui, par Lui la vie est bonne !Soulagez, consolez, embrassez, enlacez !De toutes les façons, que votre cœur se donne !Aimez toujours ; jamais vous n’aimerez assez.Cela se peut nommer, si l’on veut, égoïsme :Cette objectivité fait mon propre bonheur ;Pour jouir en Autrui pas besoin d’altruisme :C’est pour moi que de Lui j’éloigne la douleur.Soyez d’esprit sec ou sensible,Fermé de cœur ou généreux.Il n’est pas de bonheur possibleEn un monde de malheureux.Faudrait-il vivre ainsi qu’un fauve dans son antreQuand le cœur nous incite a nous tendre la main ?N’est-il pas résolu ce problème du ventre ?L’Esprit féroce a-t-il l’excuse de la faim ?Non. non, mille fois non ! Pour tous la table est prête.Quand l’homme fut créé son couvert était mis ;Ne le serait-il pas il faudrait qu’on l’apprête :Avant ce doux effort nul travail n’est permis.Votre Art ne me dit rien, votre Luxe m’offenseQuand en moi je promène un cœur non satisfait.Et qu’un seul souffre encore c’est à lui que je penseSi pour le soulager, lâche, je n’ai tout fait.Cela toujours pour moi car mon trouble me pèseDésirant un bonheur large, de tout repos,Pour vivre librement, pour jouir à mon aiseIl me faut Autrui sain, satisfait et dispos.Soyez d’esprit sec ou sensible,Fermé de cœur ou généreux,Il n’est pas de bonheur possibleEn un monde de malheureux.Le moteur est toujours l’individualisme :Je veux le bien d’Autrui pour mon individu.Est-ce de l’égoïsme ? Est-ce l’altruisme ?Voulez-vous : Hygiène ? Il demeure entenduQue je ne cherche ainsi qu’à plus largement vivre.C’est mon devoir d’abord ensuite c’est mon droit.Je combats c’est pour moi, pour moi j’écris ce livreCar je souffre du cœur en votre monde étroit.Pour ressentir cela faut-il donc être un ange ?Je souris quand j’entends : « Il se perd dans le ciel. »Puisque pour être heureux j’ai besoin que tout changeMon cerveau fait. ici. travail matériel.Rêvez-vous le bonheur dans un monde à gendarmes ?Vous faut-il des honneurs, de l’or, des diamants ?Richesse, Autorité, sont des sources de larmesEt comptez que d’Autrui vous souffrez les tourments.Soyez d’esprit sec ou sensible,Fermé de cœur ou généreux,Il n’est pas de bonheur possibleEn un monde de malheureux.
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On ne vit qu’en autrui
Paillette, Paul
mardi 14 février 2023, par
Texte de Paul Paillette (≤1896).
Tiré dans Tablettes d’un lézard.
Paru aussi in : Le Libertaire (1895-1899), nº 30 (6-12 juin 1896).
Publié aussi dans le recueil nº 10 (1924) de Nos chansons (1920-1930) de La Muse rouge.