Comme des malades contentsQuand la douleur change de siège,Espérant, pour quelques instants.Tromper le mal qui nous assiège,Nous allons, venons, détalions,ar ci, par là, de gauche à droite.Sentant toujours, sur nos talons,Le sombre Ennui qui nous emboite.Pour le fuir notre effort est vain,Il est toujours là, dans la place ;Veut-on le nover dans le vin ?Plus vivement il nous terrasse.En famille, au cercle, au café,Autant morne queue jour de pluie,Comme le cœur est étouffé !Ah ! nom de Dieu ! comme on s’ennuie.On baille à l’église ; au bordelC’est sans flamme que l’oni consomme ;Partout, partout, Ennui mortel.Chez les empaillés c’est tout commeChaque ménage régulierA pied-à-terre à la campagne,Autre gite, autre mobilier.Mais partout l’Ennui raccompagne.Le soir au théâtre, au concert,Un public ennuyé se presse,C’est encore l’Ennui qu’on lui sert.Et que dire qui l’intéresse ?Le faire penser ? C’est lassant ;Le malade veut se distraire.Le faire rire ? Mais bon sang !Ce labeur n’est pas ordinaire.Seriez vous Baron ou Daubray,C’est forcé que le mot se perdeOu se fige, comme en arrêt,Devant le monsieur qui s’emmerde ;On amuse le monsieur gai,On ne peut rien sur le morose.Public, on te dit fatigué ?Ton ennui seul en est la cause.En ma qualité de doyen,Pour le chasser, Ô créature !Je vais t’enseigner le moyen :Écoute la mère Nature !Ce monde menteur ne vaut rien,(Couvert de crimes, il expire.)Dans la Nature tout est bien,C’est en son livre qu’il faut lire !Apprends à vivre, en libertéVas tout droit à ta fantaisie ;Tu trouveras gaieté, santé,Bonté — vivante poésie —Beau corps, bon cœur, bon estomac ;Tu te riras de la fortune,Ne seras ni mari, ni mac,Et pourras aimer sans la thune.
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Ennui mondain
Paillette, Paul
mardi 14 février 2023, par
Texte de Paul Paillette (≤1896).
Tiré dans Tablettes d’un lézard.
Paru aussi in : Le Libertaire (1895-1899), nº 32 (20-26 juin 1896).