1Le mendiant se croit pétard.À Montmartre, en montant la butte,Du sacré-cœur il goûte l’artLe brave peuple sans culbute :L’abbé Garnier est son copain.Sa parole n’est pas qu’un leurre :Il lui donne un morceau de painEt, là-haut, lui promet du beurre.« Ben quoi ? quante même que ça s’rait du chiqué, i’donne toujours la croûte !Chez les anarchisses y a du boniment. Moi j’m’en fous d’où q’ça d’vient du moment qu’on s’les cale. On pense pas qu’à soi, On a sa figuration à nourrir ; et qu i’sont maries, les mecs, bouffent pas que d’la crasse ! Soyons sales d’abord mais nourrissons not’ viande, tous nos bestiaux i’s y trouvent leur compte. Moi, d’là charité — j’suis comme ceux qui la prêchent — j’en mange d’abord tout c’que j’peux, mais j’abandonne le reste aux sonneurs : Mince ! que j’en ai des pilons après la peau !Pour engraisser ces emmerdeurs.Vive l’gringal des sacré-cœurs ! »2Ah ! le peuple, c’est un malin !Brave ouverier ! Voyez l’usine :On s’y jalouse le turbin,C’est à qui courbe mieux l’échine ;L’anarchiste est un fainéant,Ses paroles : Vieilles histoires !Au fond de tout cela : Néant.Les libertaires sont des poires.« Moi, mon vieux j’suis sondeur ; J’connais q’mon boulot ; du boulot j’en ai jamais assez, m’en faut plein la chambre. J’suis sondeur et j’suis pénard. J’suis tout c’qu’i’ y a d"pénard : J’suis d’une coopérative, quand q’t’en fais partie on t’vend tout au prix coûtant, — pain, vin, du lard, de » haricots, tout l’truc ! — et au bout d’l’année on s’partage encore de l’affure. C’est tout c’qu’i’ y a d’pallas ! J’suis aussi d’une société ou, quand q’t’es malade, t’as trois francs par jour, l’médecin et les médicaments. Ah ! j’suis tout c’qu’i’ y a d’pénard ! J’fais encore partie d’une aute société, eh bien ! un coup q’t’es vioque, q’t’as soixante ans, on t’donne vingt sous par jour jusqu’à ta crevaison et si tu meurs avant t’as rien à payer pour ton enterrement. C’est tout c’qu’i y a d’pallas ! Oui mais, mon vieux, s’agit d’les payer, les sociétés ? Pour que j’paye mes sociétés m’faut du boulot ! Et si les poireaux d’anarchistes la chambardent, la société, c’est i’ eux qui m’en donneront du boulot ?M’faut du boulot ! m’en faut encore !!J’veux boulonner jusqu’à la mort. »3Ah ! le le peuple, c’est un roublard !Il discute la politiqueMais ne fait jamais de pétard,Ce beau peuple bureaucratique.Il est calme autant que soumis ;Un chef est là qui le regarde :Aux soumis le couvert est mis ;Du flair et tenons nous eu garde.« Mon cher, il n’y a pas à chercher, tu ne feras rien sans l’Autorité. Il faut un principe autoritaire, une direction, une volonté : Une Main tenant un Sabre.Du reste il y a toujours un Sabre.Un Sabre et un Balai.Le sabre est un effet social, le balai est un effet naturel.Le sabre est de toute noblesse, le balai est de toute roture.Mai » comme il arrive parfois — quand le balai a fait trop de poussière — que le sabre est forcé de changer de main,… il est bon de voir venir…Sentir d’où vient le vent, tout est là.Comme maxime : Toujours du côté du manche.Allons viens prendre la bleue…Vive le Snobisme ! et buvons au Succès d’où qu’il vienne ! »Ah ! ce peuple, c’est un malin,C’est un pétard, un j’m’enfoutiste !Brave peuple ! Il prête la mainQuand on arrête un anarchiste.
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Brave peuple !
Paillette, Paul
mercredi 15 février 2023, par
Texte de Paul Paillette (≤1896).
Tiré dans Tablettes d’un lézard.
Paru aussi in : Le Libertaire (1895-1899), nº 36 (18-24 juillet 1896).