Les gueux, les minables,Souffrants lamentablesVont les yeux hagardsPar les boulevards.⁂
Errant les pieds endolorisAvec du vent dans les entrailles,Ils n’ont pour eux dans ce ParisQue la faim aux dures tenailles.Ils sont nombreux — des bataillons —Qui, par tout temps qu’il pleure ou vente,Vont grelottants sous leurs haillonsDu matin à la nuit tombante.Le soir ils dorment sous les ponts,Dans les caves ou les masures…En tas, serrés, ils trouverontQu’ainsi les pierres sont moins dures.Quelques-uns, pris de désespoirPour finir leur triste existence,S’en vont au fond du fleuve noirChercher l’oubli de leur souffrance.Pendant qu’ainsi souffrent les gueux,Riches et catins font ripaille.Et quand chantent les Gras heureuxLes Maigres pleurent sur la paille.Mais craignez pour vous, ô bourgeois,Si tous ces gueux, tous ces minablesSe redressaient tous à la foisEt prenaient leur place à vos tables !
Les
Minables
Grandidier, Louis
jeudi 16 février 2023, par
Texte de Louis Grandidier (≤1898).
Paru aussi in : Le Libertaire (1895-1899), nº 149 (2-8 octobre 1898).