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L’

Éternel empilé

Frank, J.

jeudi 16 février 2023, par claude

Texte de J. Frank (≤1898).
C’est moi l’éternel empilé,
Moi, c’pauv’ diab’ qu’on nomm’ Jean Misère ;
D’trent’ six mill’ façons, j’suis volé
Et l’plus fort de tout, c’est qu’il faut me taire.
Malheur à moi si j’hauss’ la voix,
Dégoûté d’mes crapul’s sans nombre,
Par motif qu’c’est contraire aux lois,
On m’fourre à l’ombre.
 
I’m’faut payer tout’s sort’s d’impôts :
J’dois trimer comme un mercenaire
Pour nourrir jug’s, soldats, sergots,
Tout un tas de mecs dont je n’sais que faire.
C’est pas pour défend’mon trésor
Qu’y a de la rousse ou du militaire,
C’est, pour l’cas si ’crierais trop fort,
M’coucher par terre.
 
Y a des impôts su’ l’suc, su’ l’vin,
Su’ l’sel, su’ l’beurre, su’ la ficelle,
Sur c’te farin’ dont on fait l’pain,
On en met mêm’ sur la chandelle,
Tout en n’gagnant par jour qu’trois francs,
J’paye au mêm’taux qu’un millionnaire,
Aussi moi, ma femme, mes enfants
Nous n’mangeons guère !
 
En vain nous exploit’ nos patrons,
Nos bistrots, nos prop’iétaires,
À l’usin’toujours nous r’tournons,
Comm’ d’bons moutons on s’laiss’ faire.
On sait qu’c’est nous les plus nombreux,
Qu’fair’ cesser tout ça serait facile,
Mais ài l’heur’ d’agir, en foireux,
Tous on’s’défile.

Paru aussi — avec le surtitre « Tablettes d’un Trimardeur » — dans : Le Libertaire (1895-1899), nº 157 (27 novembre-3 décembre 1898).